Elle n'était pas beaucoup intervenue durant les sept jours du procès de quatre jeunes hommes accusés d'avoir, en 2010, agressé, frappé et poursuivi un vigile qui avait refusé l'entrée d'un magasin à l'un d'entre eux, jusqu'à ce que la victime, acculée finisse par sauter dans le canal de l'Ourcq et se noie. Mais ce jeudi matin, devant la cour d'assises de Bobigny (Seine-Saint-Denis), l'avocate générale, Anne Haller, a été implacable. Deux heures d'une démonstration méthodique pour raconter les dix minutes du calvaire du vigile Saïd Bourarach et le «déchaînement de violences» qui l'ont conduit à la mort. Démonstration conclue par des réquisitions de lourdes peines. Cinq ans de prison pour l'un des prévenus, six ans pour deux autres (dont un est en fuite) et, surtout, douze ans pour Dan L., 24 ans, à l'origine et au centre de toute l'affaire.
Pour «violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner», mais avec les circonstances aggravantes d'un fait commis en réunion et avec la menace d'armes (un cric, une pierre et peut-être une matraque), les accusés encouraient une peine maximum de vingt années de réclusion criminelle. Durant les débats, pourtant, aucun d'entre eux ne semblait mesurer la gravité des faits. Parlant à plusieurs reprises, et malgré les remontrances appuyées de la présidente de la cour, «d'incident» à propos de la mort de Saïd Bourarach.
A l'énoncé des peines réclamées par l'avocate générale, les accusés semblaient sonnés, incrédules. «Ce dossier n'est ni celui du racisme ni celui de l'antisémitisme», a balayé d'emblée l'avocate générale, appelant les jurés à ne pas tenir compte de ce qui a été raconté depuis cinq ans sur cette affaire, récupérée entre autres par Dieudonné (qui a d'ailleurs fait une apparition au procès) et qui en avait fait ses choux gras l'opposant à l'affaire Ilan Halimi. Parce que les accusés étaient juifs et la victime arabe. «Fantasmes», a tranché l'avocate générale dans un réquisitoire qui s'est concentré sur les faits, «ce déchaînement de violences qui conduit à la mort», «ce tragique fait divers». Verdict jeudi.