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Libération
Témoignages

Premiers sur place après le crash de l'A320

Yves Naffrechoux et Marion Cotterill. (Photos Olivier Monge)
par Stéphanie Harounyan, (à Seyne-les-Alpes)
publié le 25 mars 2015 à 20h21

Quatre intervenants de terrain essentiels à la sécurité et au bon déroulement des opérations des enquêteurs racontent leur action sur la zone escarpée du crash, dans les Alpes-de-Haute-Provence. (Photos Olivier Monge. Myop pour Libération)

Yves Naffrechoux, capitaine de gendarmerie de haute montagne :

«Nous avons balisé un accès au lieu de l’accident»

«Notre première mission a été de trouver le bon itinéraire pour aller jusqu’à la zone du crash. L’idée, c’est de baliser un accès terrestre au cas où les hélicos ne peuvent pas tourner, si les conditions météo se dégradent, par exemple. II a donc fallu mettre à jour le meilleur cheminement possible dans un secteur très diffile d’accès. Ce que nous avons fait mardi.

«Ce matin [mercredi, ndlr], nous avons matérialisé cet itinéraire par rubalise, ce ruban fluorescent. Avec les hommes de la gendarmerie de haute montagne, il y avait aussi des CRS de haute montagne et des pompiers. Les secouristes étaient accompagnés notamment d'un technicien gendarme en charge de l'enquête, d'une personne du BEA [le Bureau d'enquêtes et d'analyses pour la sécurité de l'aviation civile] ainsi que d'un représentant d'Airbus. Au total, une douzaine d'enquêteurs sont montés sur place dans la matinée. Notre rôle désormais, c'est de sécuriser leur travail.

«Le terrain n’est pas facile, il y a des ravines, des pentes de 40 à 60 degrés, il faut progresser en crampons. On a installé des cordes fixes pour les futures interventions. On a aussi équipé les enquêteurs de baudriers et de casques. Ils seront encordés. Ce n’est pas de l’alpinisme, mais il y a des risques de chutes importantes. Il faut donc assurer leur sécurité, mais aussi protéger le site de l’enquête, car en glissant, ils pourraient déplacer un élément. Nos hommes sur place, eux, vont être régulièrement relayés. J’ai sept hommes sur le terrain et intervenir sur ce type d’opération est particulièrement difficile, surtout quand c’est sur la durée.»

Marion Cotterill, de la protection civile des Alpes-de-Haute-Provence :

«Nous accueillons les familles en état de choc»

«Je suis bénévole à la protection civile depuis quatorze ans et j’ai déjà été envoyée sur d’autres opérations, mais c’est ma première en tant que présidente - j’ai été élue le 18 janvier.

«J’ai été appelée par la préfecture mardi à 11 h 50 et ils nous ont mis en pré-alerte. Outre la protection civile des Alpes-de-Haute-Provence, il y a aussi des membres d’autres départements qui ont été mobilisés. Mon équipe, constituée de vingt personnes, est arrivée sur le site de la maison des jeunes de Seyne mardi après-midi. Mon rôle et celui de mon équipe dans cette mission consiste à venir en appui aux cellules d’urgences professionnelles mises en place par les autorités sur la zone. Dans notre équipe, nous avons par exemple des interprètes, des personnes spécialisées dans le soutien logistique et d’autres en sociopsychologie. Nous sommes formés à entrer en contact avec les familles des victimes qui arrivent sur place en état de choc. Nous avons commencé à les accueillir à Seyne mercredi après-midi.

«Durant notre formation, on nous a expliqué quel était l’impact du stress sur les proches. On sait que pour les accompagner, ce sont les gestes les plus simples - un regard, une poignée de main, un café - qui peuvent faire toute la différence et permettre à la personne de ne pas sombrer. Pour mon équipe aussi, qui fait face à cette situation très difficile, je fais en sorte qu’ils aient tout ce qu’il faut. J’ai déjà préparé une équipe pour les débriefer après leur intervention et nous sommes en liaison avec des psychologues. En fait, on s’observe et on se protège les uns les autres.»

Jean-Louis Bietrix, accompagnateur en montagne :

«Ils ne savaient pas ce qu’ils allaient trouver»

«J’étais avec un groupe de randonneurs du côté de l’Arche, vers la frontière italienne. Des amis m’ont appelé pour me dire ce qu’il s’était passé. Je suis aussitôt parti au Vernet pour me mettre à la disposition des gendarmes qui partaient sur zone. Ce sont de jeunes militaires pour la plupart, c’était la première fois qu’ils intervenaient sur ce type d’événement. Je connais bien le coin : je suis guide depuis une quinzaine d’années. Et j’ai déjà participé à ce genre d’opération. J’étais au peloton de montagne d’Ajaccio dans les années 80, lorsqu’un Airbus s’est écrasé dans le secteur. Je savais que, psychologiquement, ça serait dur pour les hommes, qu’ils ne savaient pas ce qu’ils allaient trouver là-haut…

«On est partis en début d’après-midi à une trentaine, en roulant sur la piste en 4×4 pendant une demi-heure. Ensuite, le chemin s’arrêtait. On a encore marché comme ça une demi-heure jusqu’au lieu du crash. On y a retrouvé les gars du peloton de gendarmerie qui avaient été hélitreuillés. Les enquêteurs ont fait le tour de la zone où se trouvent les débris avant de sécuriser le site. C’est vraiment surprenant de voir tant de petits morceaux pour un avion de cette taille. Même sur la roche, on ne voit pas de trace de l’impact.»

Xavier Roy, pilote d’hélicoptère de la sécurité civile :

«La priorité, c’est la seconde boîte noire»

«Mardi, on a d’abord survolé la zone du crash pour voir s’il y avait des survivants. Mais vu l’état de l’avion, tous les pilotes qui ont survolé les lieux ont pensé très tôt qu’on n’en trouverait pas. Habituellement, quand on va sur site, on voit la carlingue. Là, il n’y a rien. Ce qui nous a surpris aussi, c’est cette descente de façon régulière de l’avion, jusqu’à s’écraser, sans aucune action des membres de l’équipage. Il n’y a pas eu non plus d’appel radio, alors que ça devrait être le premier réflexe. L’enquête dira ce qui s’est passé.

«Mon rôle aujourd’hui, c’est de coordonner au sol les équipes qui font les rotations. On a quatre hélicoptères de la gendarmerie, deux de la sécurité civile et un militaire, dont la mission est de sécuriser le site pour le bon déroulement de l’enquête. Dans chaque hélico, il y a un pilote et un mécanicien, qui assure de son côté la sécurité des passagers et l’hélitreuillage des personnes et du matériel. La priorité est de chercher la seconde boîte noire. Nous avons aussi transporté ce matin des médecins légistes. Eux seuls sont habilités à faire les constats de décès. Par la suite, les corps seront également rapatriés par hélicoptère pour être identifiés. Mais tout cela va prendre beaucoup de temps.»