Dans la vitrine de la bijouterie Unik, entre les montres et les colliers, des stickers attirent le regard : «Attention, locaux protégés par diffuseur de brouillard» et «Attention, système de marquage indélébile» inscrits en lettres capitales. A l'intérieur, un chien déambule entre les présentoirs. «C'est un malinois. La même race est utilisée par l'armée et la police. Il est dressé, mieux vaut ne pas essayer de rentrer de force», prévient le gérant, Michel Unik.
Rideau. Des mesures peu communes pour un commerce, que Michel a prises après un braquage et la mort de son frère jumeau, Thierry. Le 26 novembre 2011, Thierry Unik est dans sa boutique du quartier de Cannes La Bocca. Trois hommes, casqués et cagoulés, s'y introduisent en fin d'après-midi. Quelques secondes plus tard, le bijoutier de 42 ans est abattu d'une balle dans la tête. Un complice attend dans la rue. Les quatre braqueurs s'enfuient avec près de 200 000 euros de bijoux, enfourchant une moto et un scooter. Après deux semaines de fermeture, le rideau de la bijouterie se lève de nouveau. «Je n'avais pas le choix : il fallait payer les employés et les fournisseurs. Je continue pour mon frère. Les voyous auraient été trop contents que je m'arrête , souffle Michel Unik. Je suis né dans le monde de la bijouterie, j'ai fait des études de bijoutier, je ne sais rien faire d'autre.»
Trois ans après la mort de son jumeau, il est toujours derrière le comptoir de la boutique, ouverte avec son frère en juillet 2005. Les Unik sont bijoutiers depuis trois générations. Et l’histoire familiale semble se répéter : les parents de Thierry et Michel avaient cessé leur activité après un braquage à Longjumeau dans l’Essonne.
Les stickers et le chien ne sont pas qu'une façade. Pour rouvrir le commerce après le hold-up, les assurances ont imposé des conditions au bijoutier : «Soit je fermais, soit je faisais des travaux», explique Michel Unik. Il opte pour la seconde solution. Désormais, la bijouterie est équipée de vitres blindées. Le dispositif de vidéosurveillance a été renforcé avec seize caméras connectées au commissariat. Michel Unik n'a pas non plus hésité à se tourner vers les technologies dernier cri en matière de dissuasion. Il est le premier bijoutier des Alpes-Maritimes à avoir installé un système de marquage indélébile. «Le braqueur qui entre par effraction est aspergé par une douche contenant de l'ADN, unique à ma boutique et invisible à l'œil nu. Sur la peau, l'ADN reste six mois. Il marque à vie les vêtements et les chaussures», détaille Michel Unik. Certains bijoux sont munis de puces GPS, une technique tout droit venue d'Angleterre. Des aménagements à la pointe de la technologie qui ont demandé un investissement de plus de 140 000 euros. «Dans la protection, les bijoutiers ont dix ans de retard. On est sous-équipés et on le paye cher», peste-t-il.
Michel Unik applique les mesures de protection maximales pour sa propre défense et celle de son commerce. Aller plus loin, il y a pensé. Porter une arme, il s'y refuse. «J'aurais aimé être armé, mais je ne peux pas. Aujourd'hui, je suis quelqu'un de dangereux. Si je prends une arme, je peux faire une bêtise. Je ne sais pas comment je réagirais.» Néanmoins, quand un bijoutier niçois abat un voleur de 19 ans en 2013, Michel Unik est le premier à épauler son confrère : «Je suis allé le voir juste après le drame et je l'ai félicité. On ne va pas attendre de se prendre une balle au travail. Mes bijoux sont protégés mais l'homme ne l'est pas», déplore-t-il.
Frissons. Les quatre braqueurs présumés de la boutique de son frère comparaissent à partir de ce jeudi devant la cour d'assises des Alpes-Maritimes. Michel Unik s'est porté partie civile : «Je ne dors pas beaucoup. Je suis tendu mais impatient.» Le bijoutier peut compter sur le soutien sans faille de ses clients. «Il y a un car qui part de La Bocca vers le tribunal de Nice pour transporter des Cannois qui me soutiennent. Rien que d'en parler, j'en ai des frissons, confie-t-il. Ce sont eux qui me donnent la force d'ouvrir le magasin chaque matin.»