Dieux et déesses retrouveront samedi matin leur place dans la vitrine de La Belle Epoque après quatre semaines d’absence. La boulangerie de Grasse peut à nouveau exposer ses gâteaux au chocolat noir, représentant un homme et une femme dodus, nus et au sexe proéminent. Jeudi, le Conseil d’Etat a annulé la décision du tribunal administratif de Nice.
Le 26 mars, celui-ci avait contraint le maire de Grasse d’interdire l’exposition au public des deux pâtisseries. Yannick Tavolaro, le boulanger, était alors autorisé à les fabriquer et à les vendre, mais pas à les mettre en vitrine. Une décision qui faisait suite à une plainte du Conseil représentatif des associations noires, portant sur l’atteinte aux libertés fondamentales, au droit à la dignité de la personne humaine.
«Ces figurines s'inspirent de stéréotypes coloniaux […] C'est Tintin au Congo, l'obscénité en plus», s'indignait son président, Louis-Georges Tin. Pour sa défense, Yannick Tavolaro invoquait l'humour : «Ces gâteaux sont festifs et humoristiques. L'objectif n'était pas de choquer», se justifiait-il auprès de Libération.
Jeudi, le Conseil d'Etat a donc annulé la décision du tribunal administratif de Nice. «L'exposition en vitrine de pâtisseries figurant des personnages de couleur noire présentés dans une attitude obscène et s'inscrivant délibérément dans l'iconographie colonialiste est de nature à choquer. Mais nous estimons que le refus du maire de Grasse de faire usage de ses pouvoirs de police pour y mettre fin ne constitue pas en lui-même une illégalité manifeste portant atteinte à une liberté fondamentale», précise-t-il.
«C'est sur la forme que le Conseil d'Etat se prononce. Sur le fond, il reconnaît le caractère colonialiste de l'iconographie», se réjouit Louis-Georges Tin, qui estime également que le but du CRAN a été atteint. «Cette affaire a suscité le débat. J'espère que d'autres pâtissiers et commerçants réfléchiront à deux fois avant de mettre en vente de telles figurines.»
Le boulanger grassois est, lui aussi, satisfait de cette décision : «Elle nous surprend et nous satisfait. C'est un coup de fouet pour la liberté d'expression», estime-t-il. Comme chaque week-end depuis quinze ans, Yannick Tavolaro remettra en vitrine ses désormais célèbres pâtisseries. «Nous ne sommes pas jusqu'au-boutistes. Nous ferons des dieux et déesses aseptisés, plus soft, avec des sexes moins protubérants.» Quant à la couleur du chocolat, il n'y a pas de débat : «La ganache est noire et le restera. Impossible de faire autrement», assure-t-il.