Menu
Libération

Génération précaire au secours des stagiaires d’une start-up parisienne

publié le 23 avril 2015 à 19h46

Stupeur et tremblement dans les bureaux de MyLittleParis, start-up parisienne en vogue, spécialiste des «bons plans» de la capitale. Jeudi matin, le calme de l'open space de la rédaction, d'ordinaire bercé par le ronronnement de la machine à expresso, est brisé par le bruit de casseroles et des hurlements. «On vient libérer les stagiaires !» tambourinent les militants de Génération précaire, faisant irruption dans les locaux. «Y a-t-il un salarié dans la boîte ?»

Alertés par une employée de l'entreprise puis par une ancienne stagiaire, les militants sont sûrs de leur coup. «Les stagiaires constituent environ 40% des équipes, ce qui est complètement illégal. Enfin, encore faudrait-il que le gouvernement publie le décret d'application de la loi !» explique Patrick, militant.

C'est en effet là que le bât blesse : si la loi Khirouni, qui limite les abus des stages, a été votée en juillet, certaines de ses modalités - notamment l'instauration de «quotas» pour plafonner le nombre de stagiaires au sein d'une entreprise - sont tombées dans les méandres des décrets d'application non publiés. S'entame alors une interminable partie de ping-pong entre le Conseil d'Etat et le Medef. Bruno Vuillier, directeur général de l'entreprise, en est d'ailleurs bien conscient et n'est pas amusé par le petit numéro des militants. Contacté plus tard dans la journée, l'homme d'affaires se défend : «A ma connaissance, la loi de juillet [le volet sur les quotas, ndlr] n'est pas encore entrée en vigueur.» Il conteste le chiffre de 40%, sans avancer pour autant de données plus exactes. «On a beaucoup de stagiaires, c'est sûr. Mais c'est parce qu'on est extrêmement sollicités, on reçoit entre 500 et 1 000 candidatures par an.» Par ailleurs, sur les «67 personnes que compte l'entreprise, 40 sont d'anciens stagiaires», assure-t-il.

Mais selon Génération précaire, «fonctionner grâce à de la main-d'œuvre quasi gratuite [est] inadmissible» pour une entreprise rachetée à 60% par AuFéminin en 2013, pour la coquette somme de 24 millions d'euros et qui double ses effectifs tous les ans. «On leur fait miroiter des CDD, des "réunions macarons" dans des lofts d'artistes. Mais en réalité, ils font tourner la société, et ce en totale autonomie», s'insurge un militant. Et puis encore faut-il rentrer dans le moule branché de la marque. Une ex-stagiaire témoigne : «L'image qu'ils véhiculent ne correspond pas à la réalité, quand on ne colle pas à l'idée du stagiaire parfait qu'ils se font. Les locaux sont beaux, tout à l'air convivial. Quand on arrive on est bluffé. Puis on réalise très vite que si on n'est pas dans le moule MyLittleParis, c'est l'horreur.»