Le projet de loi sur le renseignement, qui doit être voté à l'Assemblée nationale le 5 mai, aurait-il «donné plus de moyens aux services de renseignement pour effectuer certaines surveillances», comme l'a affirmé Manuel Valls jeudi matin sur France Inter ? Voire : Sid Ahmed Ghlam, qui a été interpellé dimanche, était connu des services et avait déjà fait l'objet d'une surveillance, comme Mohammed Merah, comme les frères Kouachi ou encore Amedy Coulibaly (lire Libération de jeudi). Son arrestation soulève une nouvelle fois la question des moyens humains et du suivi, bien plus que celle des techniques de recueil d'informations. Le gouvernement n'en fait pas moins un nouvel argument à l'appui de son texte très controversé. Avec les encouragements de plusieurs leaders de l'opposition.
Unanimisme. Le projet séduit en effet bien au-delà des fidèles socialistes. Nicolas Sarkozy lui-même, s'il était parlementaire, «voterait le texte», a répondu sans hésiter son proche Frédéric Péchenard, directeur général de l'UMP et ancien directeur de la police nationale, sur France Info. Jean-Pierre Raffarin est lui aussi enthousiaste : «Il faut renforcer les moyens de notre renseignement chez nous, renforcer notre sécurité, mais aussi protéger le citoyen.» Le sénateur UMP rend, au passage, un hommage appuyé à la majorité : «En matière de sécurité, les socialistes sont audacieux, a-t-il déclaré sur RTL. Ce n'est pas à nous de les freiner quand ils vont dans la bonne direction.»
Pour lutter contre le terrorisme, le gouvernement n'a pas chômé : deux lois ont déjà été adoptées, la première en tout début de mandat, l'autre à l'automne 2014, comme l'a fièrement rappelé Manuel Valls. Plus le texte en cours de discussion : si l'exécutif répète à l'envi qu'il ne s'agit ni d'une «loi de circonstance» ni d'une loi antiterroriste, le niveau inédit de la menace est systématiquement invoqué pour justifier et défendre un projet de loi, considéré comme liberticide par de nombreuses associations.
Reste que l’unanimisme affiché depuis deux jours peine à faire oublier les débats de la semaine dernière à l’Assemblée, bien moins consensuels que prévu. L’hémicycle s’est souvent retrouvé à front renversé, l’UMP Pierre Lellouche et le centriste Hervé Morin, notamment, dénonçant les risques d’atteintes aux libertés face au gouvernement, qui mettait en avant le renforcement du contrôle des services.
Saisine. Sans oublier l'épisode rocambolesque de l'amendement gouvernemental porté par Christiane Taubira, pour exclure le ministère de la Justice des donneurs d'ordre en matière de renseignement : soutenu par les frondeurs et les Verts, il avait été repoussé par les fidèles de la majorité alliés à l'UMP… Pour le chef du groupe PS au Sénat, Didier Guillaume, l'heure n'est plus au débat : «Nouvel attentat déjoué hier et on chipoterait sur la loi renseignement ?» a-t-il tweeté mercredi. La discussion est pourtant loin d'être close : le député UMP Henri Guaino a assuré, jeudi, qu'il ne voterait «pas cette loi en l'état», et ses collègues Pierre Lellouche et Laure de la Raudière battent le rappel pour une saisine parlementaire du Conseil constitutionnel, en plus de celle annoncée par François Hollande.