Cela pourrait être une banale histoire d’ourlet. Mais, en ces temps de crispations identitaires, une jupe trop longue a suscité l’effroi dans un collège de Charleville-Mézières (Ardennes) au prétexte de ne pas respecter la laïcité et de contrevenir à la loi de 2004, qui interdit le port de signes religieux ostentatoires à l’école publique.
D'après les révélations, mardi, du quotidien local l'Ardennais, Sarah, une collégienne de 15 ans, a écopé de deux journées d'exclusion pour le port d'un vêtement trop peu… laïc. «Cette jupe n'a vraiment rien de particulier, elle est toute simple», a déclaré la jeune fille, précisant même qu'elle l'avait achetée deux euros dans un magasin populaire. Sarah porte également le voile depuis un an. Elle l'enlève à son arrivée dans l'établissement et le remet à la sortie, ce que font les jeunes filles musulmanes pratiquantes.
Ce cas de jupe trop longue, considérée comme une affirmation islamique trop visible, n'est pas isolé. Porte-parole du Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), Elsa Ray confirme à Libération que son association traite, en moyenne chaque année, une centaine de conflits de cette sorte. L'Observatoire de la laïcité affirme aussi que des dossiers lui arrivent sans citer de chiffres. Récemment, un conflit a éclaté dans un établissement de Montpellier, mais très peu d'histoires comme celle de Charleville-Mézières ont été médiatisées. En 2011, deux affaires avaient défrayé la chronique, dans un lycée de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) et de Châtenay-Malabry (Hauts-de-Seine).
Le CCIF affirme qu'il traite, une vingtaine de cas, répertoriés depuis 2015. «Ce qui est scandaleux, c'est que d'autres élèves portent des jupes longues dans les mêmes établissements, s'insurge Elsa Ray. On cible des jeunes filles musulmanes, identifiées comme telles parce qu'elles portent le voile à l'extérieur.» «Le sens de la loi de 2004 peut parfois être mal compris par les uns et les autres, élèves comme personnels des établissements scolaires», explique Nicolas Cadène, rapporteur de l'Observatoire de la laïcité. Les cas se règlent lorsque les deux parties peuvent s'expliquer ou lorsqu'il y a des interventions extérieures, comme celle du CCIF. «Il n'est pas question qu'il y ait une police vestimentaire, poursuit Nicolas Cadène. Ce qu'il faut examiner, c'est le comportement global de l'élève.»