Trente-quatre ans après l’abolition de la peine de mort en France, une partie importante de l’opinion reste favorable à son rétablissement. Mais un seul grand parti, le Front national, se prononce dans ce sens. Une telle mesure se heurterait pourtant à d’importants obstacles juridiques, nationaux et européens.
Quel est le niveau d’adhésion à la peine de mort ?
Selon une enquête du Centre d'études de la vie politique de Sciences-Po (Cevipof) publiée en février, 50% des Français estiment qu'il «faudrait rétablir la peine de mort» (1). C'est 18 points de plus qu'en 2009, et trois de plus qu'en décembre 2014 - entre-temps ont eu lieu les attentats de janvier à Paris. L'idée est particulièrement populaire parmi les ouvriers (66%), les artisans, commerçants, chefs d'entreprises (53%) et les employés (51%). Elle séduit peu, en revanche, chez les travailleurs les plus diplômés ainsi que chez les personnes âgées.
«Le phénomène n'est pas franco-français, explique Pascal Perrineau, chercheur au Cevipof. Ailleurs en Europe, les enquêtes montrent un même double mouvement : poussée du libéralisme culturel, c'est-à-dire une demande de libertés privées, mais exigence d'ordre public, c'est-à-dire la régulation de ces libertés, si besoin par une sévère répression. On constate d'ailleurs dans notre enquête la bonne image de l'armée et de la police. La demande de peine de mort s'inscrit dans ce cadre, soutenue par des événements traumatiques comme les attaques terroristes.»
Qui défend la peine de mort en France ?
L'Assemblée nationale recense 22 propositions de loi visant à rétablir la peine de mort entre 1984 et 2004, toutes déposées par des députés de droite ou d'extrême droite - comme Jean-Marie Le Pen en 1986 (notamment pour les trafiquants de drogue), Christian Estrosi en 1991 (pour les assassins d'enfants) ou Lionnel Luca en 2001 (pour les assassins de policiers). D'autres responsables politiques se déclarent ponctuellement en faveur de la peine de mort, souvent suite à un fait divers - tel le maire de la petite commune de Boën (Loire), après le récent meurtre de la jeune Chloé dans le Pas-de-Calais. Aujourd'hui, le FN est toutefois le seul parti à envisager de réintroduire la peine capitale. En 2012, le programme de Marine Le Pen prévoyait un référendum proposant de choisir entre ce rétablissement ou l'institution d'une perpétuité «définitive et irréversible». Certaines personnalités du parti, comme Marion Maréchal-Le Pen, sont toutefois opposées à la peine de mort. Marine Le Pen, elle, s'y est déclarée favorable à titre personnel.
Est-il possible de rétablir la peine de mort ?
Oui, à condition de franchir plusieurs obstacles juridiques. Depuis 2007, l'article 66-1 de la Constitution prévoit que «nul ne peut être condamné à la peine de mort». Revenir sur cette disposition implique que la réforme soit approuvée par chacune des deux assemblées, puis par un référendum ou un vote à trois cinquièmes des deux chambres réunies en Congrès. Ce n'est pas tout : la France est également liée par plusieurs traités internationaux prohibant la peine de mort - notamment la charte des droits fondamentaux de l'UE, adossée au traité de Lisbonne. Un Etat membre qui rétablirait la peine capitale s'exposerait donc à une expulsion, bien que le mécanisme de celle-ci reste incertain : le traité ne prévoit en effet que la possibilité de retrait volontaire d'un Etat membre, et non une sortie forcée.
(1) Sondage réalisé entre le 26 janvier et le 4 février auprès d'un échantillon représentatif de 1 524 personnes.