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Libération
TRIBUNE

Urgence au collège

Collège, quelle réforme ?dossier
par Paul Raoult, Président national de la FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques)
publié le 29 avril 2015 à 17h16

Faut-il rappeler que 140 000 élèves sortent, chaque année, du système scolaire sans qualification, et que si l’on cumule ce chiffre sur cinq ans, cela fait 700 000 jeunes qui se retrouvent sur le marché du travail sans diplôme ? Dans un pays qui compte 5 millions et demi de chômeurs, ces chiffres ont de quoi angoisser les parents ! Alors que l’un des défis à relever pour l’école est de faire réussir tous les élèves indépendamment du niveau social et culturel de leurs parents, seulement 12% d’enfants d’ouvriers non qualifiés parviennent à obtenir un diplôme supérieur contre les deux tiers des enfants d’enseignants ou de cadres. Avec la loi de refondation, beaucoup de dispositifs vont dans le sens d’une école plus juste pour les élèves, et la réforme du collège en fait partie.

Les apports majeurs de cette réforme sont l'interdisciplinarité, les innovations pédagogiques et les possibilités accrues de travail en petits groupes. Les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI), ainsi que la possibilité de moduler les heures disciplinaires en fonction des semaines ont fait leurs preuves sur le terrain dans les collèges innovants. C'est ainsi sortir du modèle «une heure, une classe, une discipline» qui ne correspond à rien pour les élèves mais facilite seulement l'organisation des adultes. Enfin les élèves prendront le temps de travailler ensemble sur des objets d'études qui concernent plusieurs disciplines. Ils pourront se rendre compte que tout ce qu'ils apprennent est lié, sert à quelque chose dans la vraie vie, et pas seulement à réciter sur une copie pour avoir une bonne note ! La réforme propose aussi de rediriger une partie des moyens en langues consacrés jusque-là à une minorité d'élèves souvent regroupés ensemble dans des classes élitistes, pour les donner à tous les collégiens. Donner cinquante-quatre heures de langue étrangère en plus à tous les élèves, généraliser la LV2 en 5e, et permettre la multiplication des groupes à effectifs réduits est beaucoup plus juste que de réserver des classes bilangues ou des classes européennes à moins d'un élève sur 5 ! Quant à l'allemand ou les langues régionales ? Les élèves qui les auront étudiées en primaire pourront continuer de les étudier en 6en plus de l'anglais. Un EPI sera dédié aux langues anciennes avec la possibilité d'une option. On progresse aussi dans le respect des rythmes des élèves : six heures maximum de classe par jour en 6e et quatre-vingt-dix minutes pour tous le midi.

Si des inégalités criantes perdurent dans l’école, force est de constater que les élites qui en ont profité ne les interrogent pas. De plus, les pratiques d’une partie du corps enseignant, formé dans les logiques disciplinaires élitistes, tendent à reproduire ce système en opposition avec les objectifs de réussite éducative pour tous. Ceux qui appellent à la grève sont les mêmes qui se plaignent de l’état actuel du collège, mais lorsque le changement est proposé, ils préfèrent le statu quo. Cet immobilisme ne doit pas faire oublier que de nombreux enseignants soutiennent aussi ce projet. Les systèmes éducatifs les plus performants et les plus justes sont ceux qui ont un tronc commun long et qui investissent le plus sur les jeunes élèves. Eduquer nos enfants ensemble est une expression de fraternité, valeur républicaine qu’il nous faut réaffirmer dans une société en proie aux extrémismes.