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Libération
Interview

François Durpaire: «Vers une nouvelle manière d’enseigner»

Collège, quelle réforme ?dossier
publié le 11 mai 2015 à 20h26

François Durpaire est maître de conférence en sciences de l'Education.

«Je fais partie des nombreux Français déçus par la politique menée par ce gouvernement, mais pas sur l’éducation, ça non. Il fallait réformer le collège, c’est le maillon faible de notre système éducatif depuis longtemps. La droite, qui critique aujourd’hui, n’a rien fait quand elle était au pouvoir. Surtout, leur argumentaire ne tient pas la route. Dire que les apprentissages fondamentaux vont partir à vau-l’eau n’a aucun sens. C’est tout le contraire. Les trois heures de soutien individualisé prévus par la réforme pour les élèves en sixième vont justement permettre d’acquérir les fondamentaux.

«Cette réforme propose aussi une nouvelle manière d'enseigner avec des cours interdisciplinaires [profs de différentes matières enseignant en même temps, ndlr]. C'est une réelle avancée. Aujourd'hui, les professeurs sont comme des ouvriers spécialisés remplissant le cerveau des élèves par bout : un peu d'histoire, de maths, de français. Comment voulez-vous former ainsi des citoyens capables demain de décrypter le monde dans lequel on vit ? A part compter sur la magie, je ne vois pas. Quand j'enseignais l'histoire-géographie en seconde, je me souviens d'un cours où je parlais à mes élèves de Montaigne. Au bout de quarante-cinq minutes, l'un d'eux me demande si par hasard je n'étais pas en train de parler du Montaigne étudié deux heures avant en cours de français. Dans sa tête, il se disait : c'est un autre cours, donc ça ne peut pas être le même Montaigne… On ne peut pas continuer comme cela.

«Nous sommes dans une société de flux, on doit former les citoyens de demain en développant leur esprit critique. Cela passe par une nouvelle manière d’enseigner. Cette réforme du collège va dans le bon sens. Il faut regarder aussi d’où viennent les critiques virulentes. Ce sont celles d’intellectuels invités sur les plateaux télé, qui sont loin, très loin du terrain. Tous les professeurs et spécialistes de l’éducation que je rencontre sont favorables à cette réforme. Et ne lui trouvent rien de révolutionnaire.»