«C'est vraiment un torchon» ; «ce texte pour l'arrêt immédiat de la gestation pour autrui est un délire verbal qui mise sur l'irrationnel et joue sur la peur», disent les uns ; «Nous voulons que la GPA soit interdite partout dans le monde. Nous voulons interpeller la communauté internationale», affirment les autres. Face à face, deux camps. D'un côté l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens (APGL) et ses consœurs, mais aussi des familles d'hétéros privées d'un utérus accueillant à qui la gestation pour autrui a permis de devenir parents. De l'autre, aussi des associations tel le CoRP (Collectif pour le respect de la personne, qui réunit des chercheurs et universitaires) et des personnalités aux convictions féministes, et pour certaines altermondialistes (Sylviane Agacinski, Yvette Roudy, José Bové, Michel Onfray…) qui, pour la troisième fois en moins d'un an, lancent un violent pavé dans la face de la GPA. En l'occurrence une tribune publiée le 12 mai dans Libération.
Kyste. Allié à d'autres mouvements internationaux, tel le très actif No To Surrogacy (fondé par la journaliste et activiste féministe Kajsa Ekis Ekman) ou l'organisation américaine Center For Bioethics and Culture, le collectif envoie du gros son. Outre un couplet audible sur une pratique qui «souvent» (donc pas toujours) repose sur «l'exploitation des femmes les plus démunies», la tribune des anti-GPA s'emballe sans nuance et avance des arguments inédits sur les risques médicaux liés à la pratique. Et mélange allègrement le sort promis à celles qui «vendent» leurs ovocytes («torsion ovarienne», «kyste ovarien» et «dans un certain nombre de cas la mort») à celui des mères «porteuses» («hypertension», «pré-éclampsie»). Cela sans oublier les enfants qui encourent «malformation», «décès à la naissance», etc.
Mais sur quels fondements s'appuie donc ce recensement de risques accrus ? Le Pr Olivennes, spécialiste des traitements de l'infertilité, plus qu'agacé par cette tribune, démonte les arguments brandis. De même que la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval, qui répond au fameux texte.
Juges. «C'est moi qui ai recueilli les signatures en France», nous explique Marie Jauffret du CoRP, qui veut «interpeller au niveau mondial», et «s'indigne que les questions de GPA soient aux mains de juges qui font du cas par cas». Déjà l'été dernier (aux côtés, entre autres, d'Agacinski), elle signait une pétition (lire Libération du 14 juillet) déplorant la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) qui statuait sur trois cas d'enfants nés de GPA privés d'actes de naissance français. Rebelote en mars (lire Libération du 24 mars), lorsque la Conférence de La Haye, organisation intergouvernementale mondiale, planchait sur les problèmes de filiation des enfants de GPA. Et là ? Pourquoi ce coup de sang, alors qu'aucune levée de l'interdiction de la GPA ne se profile ? En juin, la Cour de cassation doit statuer sur les cas de deux enfants qui croisent les doigts pour que leurs actes de naissance russes soient transcrits à l'état civil français. Juste une question de papiers faisant d'eux des petits citoyens comme les autres.