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Libération

Fuite vers le privé : «le risque est infime»

Les détracteurs de la réforme prédisent une hémorragie.
publié le 19 mai 2015 à 20h56

C'est l'un des arguments favoris des détracteurs de la réforme du collège : «Voilà, à coup sûr, il va encore y avoir une fuite vers le privé.» Entendue mille fois, cette assertion a quelques variantes - «du pain bénit pour le privé», «ils vont faire le plein avec une telle réforme, c'est clair». Cette crainte est-elle fondée ? Pas vraiment.

Les établissements sous contrat, qui représentent l’écrasante majorité du privé, sont obligés d’appliquer les réformes, au même titre que le public. Leur contrat avec l’Etat leur impose de respecter strictement les programmes et les obligations du temps de service des enseignants. Ces derniers sont des agents publics : ils sont recrutés par concours et payés par le ministère, comme leurs camarades du public.

Si le gouvernement ne recule pas, cette réforme du collège s'appliquera à la rentrée 2016 dans le public et dans le privé. Et dans son intégralité : les heures d'enseignements interdisciplinaires (EPI), l'accompagnement personnalisé… et la suppression des classes bilangues. «Elles disparaîtront forcément puisque nous n'aurons plus les heures de service», ajoute Claude Berruer, secrétaire général adjoint de l'enseignement catholique, qui représente 7 600 établissements sous contrat. Il dit cela d'un ton enjoué. «Cette réforme, nous allons l'appliquer, car nous sommes tenus de le faire, mais qui plus est, nous allons le faire avec enthousiasme !» dit-il, rappelant que tous les syndicats d'enseignants, chefs d'établissements et parents d'élèves du privé se sont prononcés en faveur de cette réforme.

«Ce texte correspond à ce que nous réclamons depuis des années : laisser plus d'autonomie aux chefs d'établissement. On est très content. Pourquoi, donc, les réfractaires viendraient-ils chez nous ? C'est absurde.» Pour lui, cet argument d'une fuite vers le privé, brandi par les opposants à la réforme, relève du «fantasme». Il revient au galop à chaque réforme et dans les faits, le privé a «toujours la même proportion d'élèves, environ un cinquième des effectifs (2 millions). Et, c'est bien ainsi». «De toute façon, si demain nous avions les moyens d'ouvrir de nouveaux établissements, je ne suis pas sûr qu'on les remplirait. La grande majorité des citoyens est attachée à l'école publique, contrairement à ce qu'on entend dire», insiste-t-il encore.

Bernard Toulemonde, inspecteur général honoraire qui connaît par cœur le sujet, confirme : «Le risque d'une fuite vers le privé est infime.» Il y a un seul petit biais, sur lequel il invite le ministère à la vigilance : les établissements privés proposent parfois des «petits trucs en plus» en matière d'enseignement, en les faisant financer par les parents. «Or, les textes sont clairs : l'enseignement est gratuit pour les familles, pris en charge exclusivement par l'Etat.» Les droits d'inscription que paient les parents ne peuvent servir que pour les bâtiments et les équipements (la cantine, par exemple).