C’est samedi, à la suite d’un coup de fil passé par un jihadiste français présent en Syrie, que Brice a appris la nouvelle : son demi-frère, Kévin Chassin, 24 ans, alias Abou Maryam al-Faransi («le Français» en arabe), venait de mourir dans une série d’attaques kamikazes menées contre des casernes de miliciens sunnites et chiites agissant pour le gouvernement irakien. Ces opérations, revendiquées par l’Etat islamique (EI), et auxquelles a participé un autre jihadiste français, Abou Abdoul Aziz, auraient eu lieu vendredi à Haditha, une ville située dans l’ouest de l’Irak, à 270 kilomètres de Bagdad.
Qui sont les deux kamikazes ?
Via son compte Twitter @AbouM31200, Kévin Chassin avait posté à l'un de ses amis la photo de l'arrière d'un camion bourré de bidons d'explosif avec la légende suivante : «Je pars dans quelques jours au Jenna [le paradis, ndlr].» Ce jeune brun aux traits assez fins, originaire de Toulouse, n'était pas un inconnu des spécialistes du phénomène jihadiste. Parmi les Français ayant rejoint les rangs de l'EI, il était l'un des plus actifs sur les réseaux sociaux. Il y posait régulièrement en armes, avec la tête d'un civil décapité, ou, plus récemment, sur un manège de Mossoul lors de vacances financées par son émir. Une dernière faveur qui lui aurait été octroyée dans la perspective de son «opération martyre».
En novembre 2014, déjà, Kévin Chassin apparaissait muni d'un sabre dans l'une des vidéos les plus célèbres de l'organisation : en compagnie de deux autres combattants français, il y brûlait son passeport, invitait les musulmans à rejoindre le Cham (le Levant), ou, à défaut, les exhortait à commettre des attentats en France. Sa foi inaltérable dans le jihad lui aurait permis de diriger jusqu'à 60 combattants, un privilège rarement accordé aux Occidentaux au sein de l'Etat islamique.
Issu d’une famille de la classe moyenne, Kévin Chassin a grandi dans le quartier des Minimes, à Toulouse. A l’adolescence, il s’y fait remarquer des travailleurs sociaux pour sa dérive dans la petite délinquance, consommation de shit et cambriolages. Changement de cap en 2009 : il se convertit à l’islam, se laisse pousser la barbe, et fréquente assidûment les mosquées toulousaines.
Rassurés par cette transformation radicale, ses parents ne s'inquiètent pas de sa conversion. Mais peu à peu, Kévin se tourne vers les salafi, dont il croise des éléments à la sortie de la mosquée de Basso-Cambo. Il rencontre alors une jeune femme d'origine marocaine, se marie, et effectue des séjours de plusieurs mois au Maroc où naît son premier enfant. La vie dans ce pays, «envahi par le tourisme occidental et ses excès, ne correspondait pas à son idéal de vie dans un pays musulman», confie à Libération l'un de ses contacts sur Twitter.
En mai 2013, Kévin Chassin rejoint finalement la Syrie en compagnie de sa famille. Selon plusieurs sources, il y aurait eu un second enfant avec une femme différente, quelques semaines avant sa participation à la bataille contre les forces kurdes à Kobané. «Un engagement sans retour», sous peine de passer quinze ans en prison, disait-il à son père et à son demi-frère avec qui il maintenait un contact régulier.
Concernant Abou Abdoul Aziz, rien, pour le moment, n’a filtré de sa véritable identité. Plus âgé que Kévin Chassin, il serait également originaire de Midi-Pyrénées.
Combien de Français participent aux attentats-suicides ?
A ce jour, seulement dix Français ont participé officiellement à une attaque kamikaze en Syrie ou en Irak. Un chiffre bien moins important que ceux avancés pour les combattants saoudiens, tunisiens ou syriens. Toutefois, selon le chercheur et consultant Romain Caillet, spécialiste de l’islamisme, «il y en aurait bien plus». «Les attentats-suicides sont utilisés pour la prise de villes ou d’objectifs militaires stratégiques. Jusque récemment, ces opérations étaient parmi les premières causes de mortalité pour les jihadistes français», précise-t-il. Généralement, les candidats à ce type d’attaques se portent volontaires et sont isolés dans des endroits spéciaux pour recevoir une préparation mentale. Leur famille dispose ensuite d’un confort matériel assuré par l’Etat islamique.
Comment l’EI communique-t-il a posteriori ?