Il est ressorti à l’heure du déjeuner avec le sourire. Michel Lussault, le président du Conseil supérieur des programmes, avait réuni ce mercredi dans le grand salon de la Sorbonne des historiens pour causer - dans le calme - des nouveaux programmes.
«Cette journée était prévue depuis longtemps», assure-t-il alors que cela sentait à plein nez le «plan déminage» piloté par le ministère. «La vive polémique qu'a suscitée la première version des programmes, nous a simplement conduits à donner un peu plus d'ampleur à ce forum», concède Lussault. D'où donc: le salon classieux à la Sorbonne, les médias (la journée de débats est diffusée sur France Culture). Et la présence de l'académicien et historien Pierre Nora, critique sans être (et de loin) le détracteur le plus virulent.
«Je l'ai dit, ces programmes ne sont pas scandaleux, il y a quelques maladresses. Mais j'ai une profonde inquiétude quand je vois la passion qu'ils suscitent.» La preuve pour Nora, de la crise identitaire qui traverse le pays. «Il y a un double langage inconciliable, a-t-il encore dit. Ceux qui considèrent, et j'appartiens plutôt à ceux-là, que l'enseignement de l'histoire doit être celui d'une mémoire commune». Et ceux qui «veulent rendre justice à des mémoires brisées», avec une «histoire plus moralisatrice» pour «panser les plaies plutôt que de les penser».
Un prof: «Faites-nous confiance!»
Le débat a dévié de temps à autre sur l'enseignement des faits religieux. «Quel est le meilleur remède aux intégrismes que l'histoire du fait religieux?», a lancé Patrick Garcia, professeur d'histoire à l'Université de Cergy-Pontoise. L'historienne Colette Beaune, professeure à Nanterre, de considérer: «Le problème, c'est que la laïcité arrive tardivement au XIXe siècle. Donc quand on aborde le judaïsme, par exemple, il faut bricoler. Et je le dis, au bon sens du terme. En se servant par exemple de l'instruction civique.»
«Mais enfin, faites-nous confiance !, a balancé un professeur d'histoire-géo de Dordogne, assis au fond de la grande salle. Comment imaginer qu'on ne parle pas de chrétienté au Moyen âge? Ou qu'on ne fasse pas Louis XIV?» Et de se féliciter qu'enfin des programmes laissent une liberté pédagogique aux enseignants. Une inspectrice du premier degré s'inquiète: «Mais comment stimuler les enseignants du premier degré qui ne sont pas des spécialistes pour qu'ils s'approprient les enjeux?» La question de la formation des professeurs, initiale et continue, est plusieurs fois revenue sur le tapis.
«C'est l'enjeu essentiel, si vous voulez mon avis», a confié à la sortie Michel Lussault. Qui a promis, pour pacifier autant que possible les débats, de «revoir sensiblement l'écriture des programmes. C'était médiocre sur ce point, certaines formulations sont trop allusives.» Sur le fond, le Conseil des programmes n'a encore rien arrêté, disant attendre de voir ce qu'en disent les enseignants. Les programmes sont soumis à consultation jusqu'au 11 juin.