Il disait vouloir en finir avec «l'islam bisounours». Créer une structure pour que les musulmans s'organisent «contre l'islamophobie». Mohamed Achamlane, 37 ans, sans profession, habitant de la banlieue de Nantes, a fondé le groupe Forsane Alizza («les cavaliers de la fierté») en 2010. A partir de ce lundi, et jusqu'au 23 juin, il comparaît, avec 13 des membres de son mouvement, devant le tribunal correctionnel de Paris, pour «participation à un groupe formé en vue de la préparation d'actes terroristes».
Pour l'instruction, les nombreuses armes saisies en leur possession, manuels de fabrication d'engins explosifs, guide du terroriste (The Terrorist's Handbook), et listes de «cibles» caractérisent la mise en œuvre de projets imminents. Sur un disque dur appartenant à l'«émir» Achamlane a été retrouvé un fichier intitulé cibles.txt, constitué des adresses de dix commerces juifs, dont cinq supermarchés Hyper Cacher à Paris, Sarcelles et Montreuil.
Pour leurs avocats, et notamment celui d'Achamlane, Bérenger Tourné, la justice a confondu propagande et actions concrètes : «On cherche à sanctionner un groupe non pas parce qu'il a entrepris la préparation d'une action terroriste, mais seulement parce qu'on a la conviction qu'il pouvait potentiellement le faire.»
Ce «potentiel», en tout cas, est difficile à contester. En armement, d’abord. Achamlane n’est pas le mieux doté (deux pistolets, un revolver, trois kalachnikovs démilitarisées seront quand même retrouvés chez lui), mais, en faisant le tour de son groupe, les enquêteurs ont réuni un arsenal consistant : revolver, pistolets, fusil de chasse, cartouches, carabines .22 long rifle, réplique d’AK 47…
«Charte». A ces saisies s'ajoutent celle d'importantes documentations sur les armes chez Mohamed Achamlane, et de plusieurs guides de fabrication de bombes ou de roquettes. L'un deux, intitulé Recettes faciles, se conclut par une maxime : «Peu importe l'ampleur du sacrifice : ce qui compte, c'est la grandeur du but que l'on s'assigne.»
Dans la «charte» de Forsane Alizza qu'il a rédigée en 2011, Achamlane prévoit pour ses recrues l'apprentissage du tir, «une discipline proche de celle des militaires», la distribution de puces de téléphone «pour des missions particulières». Et leur souhaite de «faire partie des moudjahidin le plus vite possible».
Interrogé par les juges, l'homme au visage rond, turban et barbe noire en collier, a revendiqué une position «borderline», se disant fier de lutter pour un islam décomplexé, en allant jusqu'aux limites de la légalité, mais niant fermement tout projet de passage à l'action.
L'enquête, ouverte en octobre 2011, puis aboutissant à une instruction en mars 2012, soutient l'inverse. Les investigations s'appuient sur l'interception de nombreux échanges téléphoniques et surtout électroniques. Dans une session de tchat avec une certaine «Malika», Achamlane fait l'apologie du jihad et lui adresse un lien vers une vidéo sur l'incendie de Charlie Hebdo, le 2 novembre 2011, laissant entendre qu'il est impliqué dans les faits. Il parle ensuite d'armes, explique qu'il a appris à tous les membres de Forsane Alizza à tirer, et que lui s'entraîne régulièrement avec des armes de sniper et des silencieux.
Foudres. Un témoin - candidat à l'adhésion à Forsane Alizza mais ayant finalement renoncé - a raconté aux enquêteurs un projet déjà bien avancé d'«enlèvement avec séquestration et actes de barbarie» d'un juge lyonnais. Le magistrat se serait attiré les foudres des membres du groupe en plaçant les enfants de l'un d'eux, qui vivaient enfermés dans une pièce vide et sans lumière.
Sur un tchat datant de mars 2012, Achamlane se réjouit des meurtres de Mohamed Merah : «L'attaque de Toulouse est une bénédiction d'Allah, écrit-il. Par Allah tout puissant qu'on va lui mettre des cicatrices à la France… On va la balafrer Inch Allah.»