«Traiter des migrants, des militants et des élus de la sorte, c'est honteux !». Le bras encore engourdi après l'intervention musclée des CRS, Emmanuelle Becker, conseillère de Paris et élue communiste du XIIIe arrondissement, peine à contenir son émotion. Pendant près de trois heures, les forces de l'ordre ont tenté d'évacuer plus d'une cinquantaine de migrants installés sur le parvis de la Halle Pajol, dans le XVIIIe arrondissement de la capitale, depuis l'évacuation, il y a une semaine, de leur camp situé aux abords du métro La Chapelle.
«On leur distribuait de la nourriture quand on a vu arriver des dizaines de CRS», raconte Sylvie Lhoste du collectif Entraides Citoyennes. Très vite, les militants sur place et quelques élus avertissent leurs réseaux respectifs de l'imminence d'une évacuation. Parmi eux, Galla Bridier, conseillère écologiste et élue du XVIIIe. Les yeux rougis par les gaz lacrymogènes, elle raconte : «On a créé un cordon autour des migrants pour empêcher les policiers de les embarquer.» Mais la tension monte et les premières charges interviennent.
Aux côtés des élus, quelques militants et habitants du quartier crient «Solidarité avec les réfugiés» et tentent de rejoindre le cordon improvisé par les élus. Une ultime charge et des jets de gaz lacrymogènes finissent par rompre le cercle, dans la panique certains migrants parviennent à s'enfuir avant d'être rattrapés, maîtrisés et installés dans un bus stationné à quelques mètres de la bibliothèque Vaclav-Havel. «Je portais mon écharpe d'élue, mais un militant à côté de moi a été frappé au ventre à coup de matraque», détaille Danielle Simonet, élue Front de Gauche du XXe arrondissement. Elle pointe le fiasco d'une évacuation menée à la hâte la semaine dernière, sans que les pouvoirs publics ne se soucient du devenir des personnes concernées.
Hypocrisie
«L'Etat organise un éparpillement de la misère au lieu de respecter le droit d'asile et le droit à l'hébergement», analyse la conseillère de Paris. Mais déjà le car de police, dans lequel ont été installés les migrants interpellés, a pris la direction du commissariat situé au 32, rue de l'Evangile dans le XVIIIe arrondissement. «La préfecture veut identifier ceux qui bénéficient du droit d'asile et renvoyer ceux qui n'en bénéficient pas», croit savoir Sylvie Lhoste.
Au ministère de l'Intérieur, on se borne à rappeler que l'évacuation des 380 personnes du campement de La Chapelle le 2 juin a permis «de mettre à l'abri de très nombreux migrants». Et on martèle qu'il n'est pas question de tolérer une «occupation illicite de l'église Saint-Bernard ou de l'espace public». Le cabinet de Bernard Cazeneuve affirme que la mairie de Paris a elle-même sollicité l'intervention des forces de l'ordre à la Halle Pajol. Le ministère suspecte même une «manipulation» des personnes évacuées par des militants. «Certains s'amusent avec les migrants pour faire valoir des revendications politiques en convoquant les caméras». Selon une source policière, 84 personnes auraient été évacuées.