Avec «humanité et cœur» ou avec «fermeté et humanité» ? Plutôt Jean-Louis Debré ou Bernard Cazeneuve ? Tétanisé à l'idée de revivre un Saint-Bernard bis dix-neuf ans après l'occupation et l'évacuation musclée de l'église parisienne par 1 500 CRS, le gouvernement donne le sentiment d'une improvisation permanente autour des 200 migrants laissés sur le carreau après l'expulsion du campement de La Chapelle. Une semaine de gestion erratique et itinérante, avec un seul objectif symbolique : empêcher l'établissement d'un nouveau squat près de Saint-Bernard, dans le quartier de la Goutte d'or.
«Assumer». Depuis l'imbroglio politico-diplomatique dans lequel s'est enferré Paris sur une possible répartition des demandeurs d'asile souhaitée par la Commission européenne, force est de constater que la ligne du gouvernement se résume aux déclarations musclées de Manuel Valls et aux images de l'évacuation de la halle Pajol, lundi. «Les difficultés emportent les cœurs et les consciences si vous donnez le sentiment qu'il n'y a pas de solution», se désole un dirigeant de la majorité, qui demande à François Hollande et Manuel Valls «d'assumer» et d'ouvrir les vannes plutôt que de subir «la pression de l'opinion publique dès qu'un nouveau naufrage surviendra». Au sommet, l'exécutif réfute toute droitisation de la politique d'immigration depuis trois ans. Mais «l'opinion publique est hystérisée sur ce sujet, estime un proche du Premier ministre. Nous devons être sur le registre de la force sinon les Français nous le reprocherons, mais nous devons aussi trouver le moyen de faire participer ces migrants à notre destin national.» Ce qui reste nébuleux et n'augure pas d'un changement d'approche de ce dossier.
Au niveau parisien, la surenchère se double de règlements de comptes au sein de la gauche. Mardi, au lendemain de l'opération brutale des forces de l'ordre à la halle Pajol, Anne Hidalgo évoque des images «troublantes» et dit «condamner les violences». Pourtant, c'est bien la maire de Paris qui a sollicité l'usage de la force publique. «Elle s'est souvenue qu'elle avait des cocos et des écolos dans sa majorité», débine un député francilien. C'est aussi Hidalgo qui suggère la création d'un centre d'accueil où les migrants pourraient «se poser, réfléchir, faire ce travail avec les associations» pour déterminer s'ils demandent ou non l'asile. Selon nos informations, elle a même proposé un terrain de la ville de Paris situé… dans l'Oise !
«Connerie». Disant tout haut ce qu'une partie de la majorité pense tout bas dans une lettre ouverte à François Hollande, Cécile Duflot a dénoncé mardi dans le Monde un «Waterloo moral» de la gauche. Sans solution sur le fond, les socialistes ne décolèrent pas contre ce qu'ils qualifient d'«instrumentalisation» des migrants par une partie de la gauche.
En réalité, les élus «de la gauche de la gauche» ont plutôt tenté de canaliser les choses. A l'image d'Eric Coquerel, secrétaire général du PG et conseiller régional, qui déplorait, vendredi, l'intervention de militants indépendants : «Tenter de faire entrer les migrants dans Saint-Bernard, c'était une sacrée connerie. Et les inciter à barrer un carrefour et les mettre à la merci des forces de l'ordre, c'est dangereux.»