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Portraits

Carlton : le banc des accusés

Ils étaient quatorze, poursuivis dans l’affaire de proxénétisme aggravé dite du Carlton. Treize ont été relaxés vendredi, à Lille. Passage en revue des personnalités au cœur du scandale.
Dessin de presse du banc des prévenus dans l'affaire du Carlton, le 12 juin 2015. (AFP. BENOIT PEYRUCQ)
publié le 12 juin 2015 à 22h07

Dominique Strauss-Khan

Poursuivi pour «proxénétisme aggravé», Dominique Strauss-Kahn a été relaxé vendredi dans l’affaire dite du Carlton de Lille, verdict raccord avec les réquisitions du ministère public, en février. Le dénouement de ce dossier clôt l’accumulation, depuis quatre ans, de scandales sexuels, aux Etats-Unis et en France, qui ont eu raison de la carrière de l’ancien favori de la présidentielle de 2012. Le nom de DSK commence à circuler début octobre 2011 dans un dossier de proxénétisme instruit à Lille qui deviendra l’affaire du Carlton. Le 16 octobre 2011, c’est lui qui demande à être

«entendu»

par les juges pour mettre fin aux

«insinuations malveillantes»

. Dominique Strauss-Kahn est présenté comme le principal bénéficiaire et instigateur de soirées libertines à Paris et Washington. Mis en examen le 26 mars 2012 pour

«proxénétisme en bande organisée»,

il affirme avoir ignoré que les participantes étaient des prostituées rémunérées. Le procureur, finalement convaincu par cette défense, avait réclamé une

«relaxe pure et simple»

.

Dominique Alderweireld, dit «Dodo la saumure»

Est-il encore la peine de présenter Dominique Alderweireld, 65 ans, alias «Dodo la saumure», relaxé à la surprise générale. Son surnom, il l’a hérité de son rapport très décomplexé à sa profession de maquereau (c’est dans la saumure qu’on les fait mariner…). Le ministère public avait requis deux ans de prison, dont un avec sursis, et 10 000 euros d’amende contre lui pour «proxénétisme aggravé». On reprochait au proxénète assumé, propriétaire de maisons closes en Belgique, d’avoir missionné des prostituées à sa solde pour des parties fines organisées autour de DSK à Paris et Washington. Ce qu’il a toujours démenti.

«Ce sont des femmes indépendantes, qui choisissent librement leurs activités, et il n’a pas perçu un centime sur les prestations qu’elles ont effectuées hors de Belgique»

, martelait son avocat, M

e

Sorin Margulis. Stratégie de défense gagnante.

René Kojfer

Seul prévenu condamné pour «proxénétisme» vendredi, René Kojfer a écopé d’un an de prison avec sursis. Le procureur avait requis quinze mois avec sursis et 2 500 euros d’amende. La justice a établi que cet homme de 73 ans a servi d’intermédiaire entre cinq prostituées et des clients. Chargé des relations publiques du Carlton et de l’Hôtel des tours, à Lille, c’est par lui que l’affaire a démarré : les policiers le soupçonnent alors de

 «garnir des chambres»

avec des prostituées qu’il ferait venir des bordels belges de son ami «Dodo la saumure», afin de développer les activités de l’hôtel. Grâce aux écoutes, les enquêteurs l’entendent informer ses contacts des

«arrivées de nouvelles filles chez Dodo»

. En mai 2011, juste après l’arrestation de DSK à New York, Dodo se vante d’avoir

«ramené des filles»

à celui qui était encore directeur du FMI. Qui aurait

«voulu baiser Béa», 

sa compagne,

«en force»

. Ce coup de fil lance l’affaire.

Jean-Christophe Lagarde

Commissaire divisionnaire, chef de la sûreté départementale du Nord au moment des faits (il a été muté depuis), Jean-Christophe Lagarde, 50 ans, a aussi été relaxé. Le ministère public avait requis à son encontre trois mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende. Il était poursuivi pour «proxénétisme» et «recel d’escroquerie». Ce grand flic avait connu Fabrice Paszkowski par l’intermédiaire du réseau franc-maçon auquel ils appartiennent. En 2007, ils découvrent qu’ils ont également en commun un goût prononcé pour l’échangisme. Fabrice Paszkowski le fait venir à des soirées dans la région lilloise, puis à celles où DSK est l’invité d’honneur, à Paris et à Washington. Jean-Christophe Lagarde voyage en compagnie de jeunes femmes dont il a dit ignorer la qualité de prostituées.

«Mon client est combatif et rendra coup pour coup à ceux qui ont voulu lui coller ces étiquettes»,

avait dit son avocat, Olivier Bluche.

Emmanuel Riglaire

Relaxe aussi pour l’avocat Emmanuel Riglaire, 46 ans, l’un des ténors du barreau lillois. Il était poursuivi pour «proxénétisme aggravé». Le ministère public avait requis trois mois de prison avec sursis et 5 000 euros d’amende. Il avait été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir incité l’une de ses clientes, M., à se prostituer. Les poursuites reposaient sur le témoignage de cette jeune femme. Elle racontait que, n’ayant pas les ressources suffisantes pour régler les honoraires qu’elle lui devait dans une procédure de garde d’enfant, le pénaliste lui aurait proposé d’effacer sa dette en échange de relations sexuelles. Il lui aurait ensuite présenté René Kojfer, le responsable des relations publiques du Carlton, qui l’aurait mise en relation avec un certain nombre de clients, la lançant dans la prostitution. Puis Riglaire lui aurait présenté David Roquet, qui l’emmène à une partie fine dans un hôtel parisien, où elle aurait subi,

«en larmes»,

un rapport de sodomie brutal avec DSK.

Fabrice Paszkowski

Le ministère public avait requis deux ans de prison avec sursis et 20 000 euros d’amende contre Fabrice Paszkowski, 47 ans. Il a été relaxé des faits de proxénétisme mais condamné à quatre mois de prison avec sursis pour abus de biens sociaux. Responsable d’une société de matériel médical à Lens, ce militant socialiste a rencontré DSK en 2005, lors d’un forum d’entreprises à Béthune. Ils sympathisent, et le futur président du FMI l’invite à une soirée libertine.

«J’ai l’habitude de rendre les invitations»

, confiait Paszkowski à

Libération

en mai 2013. Il organise alors une première soirée dans un hôtel à Paris, à laquelle il se rend

«avec des escort-girls»

recrutées via David Roquet, René Kojfer et «Dodo la saumure». Il lui était reproché d’avoir planifié, sur la base d’un échange soutenu de SMS peu raffinés avec DSK, des parties fines auxquelles participaient des prostituées et d’autres prévenus.

David Roquet 

Cet ex-directeur de la société Matériaux Enrobés du Nord, une filiale du groupe de BTP Eiffage dans le Pas-de-Calais, a été condamné à six mois de prison avec sursis pour escroquerie mais relaxé pour les faits de proxénétisme aggravé. David Roquet, 46 ans, rencontre Fabrice Paszkowski en 2008. Partageant le même goût pour le libertinage, Paszkowski propose à Roquet de cofinancer des soirées de sexe collectif. Roquet accepte et se retrouve à payer des prostituées et des déplacements pour les parties fines impliquant DSK, à Paris et Washington. Il avait fait passer ces dépenses en frais professionnels. Il expliquait qu’il avait averti son supérieur hiérarchique, qui validait ses frais, et qu’il s’était senti encouragé par Eiffage à entretenir ce lien privilégié avec le président du FMI. La direction du groupe de BTP a porté plainte contre son ex-salarié, licencié suite à l’affaire, pour «abus de biens sociaux».