Oui, l’idée d’une plus forte solidarité en Europe donne de l’urticaire à beaucoup de nos concitoyens. Oui, le sort tragique des migrants, prêts à mourir pour atteindre nos rivages rencontre au mieux une empathie polie, au pire une farouche hostilité des opinions publiques. Oui, l’air du temps est au repli sur soi, à la médiocrité individualiste, au racisme décomplexé. Oui, l’idée de générosité n’est pas en odeur de sainteté dans un pays et un continent dont les fondamentaux (une certaine idée des droits de l’homme) ont été rongés par dix années de crise économique. Oui, pour parler d’immigration clandestine et défendre une solution européenne, il faudrait un peu de courage politique. Or, le gouvernement Valls en manque cruellement. S’il était de droite, on entendrait, à coup sûr, la gauche s’indigner au nom de la dignité humaine. Mais il est de gauche. Enfin, de ce qu’il en reste. C’est-à-dire plus grand-chose.
Car de quoi s'agit-il ? Certainement pas d'ouvrir nos frontières à tous les vents, ou de régulariser tous les migrants. Juste d'instaurer un mécanisme indispensable de solidarité entre les pays membres de l'UE pour soulager la Grèce et l'Italie, bien seuls aujourd'hui à assumer les désordres du monde et surtout de l'Afrique. Pour la France, cela reviendrait à s'engager à étudier le cas d'environ 6 000 demandeurs d'asile supplémentaires, sur un total de 62 000 l'an passé. Le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, qui, faut-il le rappeler, a été le candidat de la droite aux élections européennes, ne fait que proposer des mesures d'urgence de bon sens, qui devraient emporter une large et immédiate adhésion de nos responsables politiques pour peu qu'ils défendent (encore un peu) une idée européenne. Et que fait notre cher gouvernement français ? Tout le contraire. François Hollande et Manuel Valls se braquent, sur le mode «ce n'est pas à l'Europe de nous imposer des quotas». Tandis que Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur, réussit la prouesse de faire la leçon à son homologue italien au nom de «la responsabilité», tout en fermant à double tour la frontière franco-italienne. Notre gouvernement dit ce que veut entendre son opinion publique : «chacun chez soi». Et travaille à fabriquer des images de fermeté policière, qui feront les audiences du journal de 20 heures sans pour autant faire baisser les scores du FN, car installant l'idée d'une Europe assiégée. Valls avait fustigé à juste titre la «langue morte» en politique. Il en est aujourd'hui le parfait apôtre.