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Libération
Analyse

Les places de l’Intérieur

Bernard Cazeneuve a présenté son plan d’urgence en Conseil des ministres mercredi.
publié le 17 juin 2015 à 23h11

«Humanité et fermeté» ; Bernard Cazeneuve a tenté mercredi de donner de la consistance à cette «humanité» délaissée depuis la médiatisation des problèmes des migrants à Paris. Associé à sa collègue du Logement, Sylvia Pinel, il a présenté en Conseil des ministres un plan d'urgence pour répondre à une «crise humanitaire sans précédent». Deux axes sont évoqués : mieux prendre en charge les demandeurs d'asile et renforcer la lutte contre l'immigration irrégulière. Délicat, alors qu'il s'agit de rattraper le retard français pour se conformer aux règlements européens et d'afficher une «fermeté» sous la pression des droites extrêmes. Les mots employés place Beauvau marquent une forme de prise de conscience : la gestion des migrants à Calais et à Paris n'est pas adaptée, voire contre-productive.

«Diagnostic». Première mesure : la création de places supplémentaires en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada), réservées aux personnes ayant déposé un dossier. Il y en a 25 000 alors que les nouvelles demandes sont de 50 000 à 65 000 par an. Le gouvernement va construire 4 000 places supplémentaires d'ici à la fin 2016 en plus de celles déjà sur les rails pour 2015, ce qui devrait porter le parc à environ 35 000 places. Un doublement en dix ans. «On aura un dispositif suffisant pour faire face aux besoins», veut-on croire à l'Intérieur, où l'on table aussi, pour libérer des places, sur le raccourcissement des délais d'instruction des demandes d'asile et le renforcement des expulsions. Les dispositifs d'urgence, censés être réservés aux migrants en transit ou qui n'ont pas encore engagé de procédure, vont aussi faire l'objet d'un effort. 1 500 places dédiées à ceux de Calais et de Paris devraient voir le jour. «Il y aura une différence notable : les personnes seront suivies, accompagnées et orientées vers les dispositifs les plus adaptés, ou éloignées du territoire,dit-on chez Pinel. La majorité de ces places seront ouvertes dans les trois mois, surtout en Ile-de-France.» Des terrains publics et des dispositifs hivernaux devraient être mobilisés. Pas question, donc, de créer un centre d'accueil ad hoc, comme l'avait proposé la mairie de Paris. Mais l'accompagnement des migrants qui rejoindraient ces structures reste flou. «On aura besoin de moyens conséquents pour que les agents […] puissent faire ce travail de diagnostic», reconnaît-on à Beauvau sans fournir de chiffrage.

Enfin, le gouvernement va créer des places d'accueil pour les personnes accédant au statut de réfugié qui restaient jusqu'alors dans les Cada ou à la rue. 5 000 places de logement «accompagné» seront créées d'ici à 2017, notamment dans «des logements vacants du parc social en zone détendue» ; les réfugiés seront répartis sur l'ensemble du territoire.

Le troisième volet du plan s'attache à rassurer une opinion publique tétanisée par la crainte d'un «afflux de clandestins». L'Intérieur se réjouit d'ailleurs d'avoir procédé à plus d'éloignements contraints que sous Sarkozy : +13% en 2014 versus 2012. «On a des résultats, il faut accroître les efforts.»

Crainte. Beauvau souhaite remettre au goût du jour les aides au retour (quelques centaines d'euros), «dévoyées lorsqu'elles étaient fournies à des ressortissants bulgares et roumains [donc européens, ndlr]» qui pouvaient ensuite revenir. «Un objectif minimal de versement de 8 000 aides au retour vers des pays extérieurs à l'UE, contre 4 000 en 2014, est visé.» Les contrôles d'identité à Calais, dans les gares et sur les routes, vont se multiplier.

Dernier morceau : le gouvernement veut s'attaquer au «problème» des déboutés de l'asile en créant des «hébergements spécifiques». Selon l'Intérieur, aujourd'hui seuls «10 à 20% des déboutés» (plus des deux tiers des demandeurs) quittent de fait la France. «C'est trop peu» pour Beauvau qui veut développer l'assignation à résidence (45 jours maximum) avant d'expulser les personnes.