Certains espéraient que les sénateurs allaient se montrer plus ouverts sur la question de la fin de vie, et que de ce fait ils allaient ouvrir, même un petit peu, le texte leur arrivant de l’Assemblée nationale. Il n’en a rien été. Mercredi soir, tard dans la nuit, ils ont achevé l’examen en première lecture de la proposition de loi sur le sujet : ils l’ont complètement vidé de son contenu, et cela contre l’avis du gouvernement. Le vote solennel des sénateurs doit avoir leu mardi prochain.
Ainsi, sur la question de la «sédation profonde et continue», qui constituait l'avancée la plus réelle de la proposition de loi Claeys-Leonetti, les sénateurs ont supprimé la précision «-et continue jusqu'au décès-». «Avec cette modification, on a purement et simplement vidé de son sens ce texte», a regretté la ministre de la Santé Marisol Touraine. «Elle ne permet pas de marquer une avancée des droits des patients en fin de vie», a-t-elle ajouté, estimant «que ce n'est pas la peine de faire une loi pour arriver à ce résultat». «C'est la partie la plus conservatrice du Sénat qui l'a remporté, revenant sur le texte transpartisan adopté à l'Assemblée nationale en première lecture, a dénoncé, plus virulent, Didier Guillaume, président du groupe socialiste. Et même le président de la commission des Affaires sociales, Alain Millon (les Républicains) a réagi fermement: «Je considère que le travail des trois rapporteurs était excellent et qu'il a été détricoté. Très certainement, mardi, je ne voterai pas ce texte.»
Vincent Lambert
Durant tout le débat -c'était en effet impressionnant à écouter- un certain nombre de sénateurs de droite ont ainsi monopolisé la parole, se montrant obsédés par toute forme d'euthanasie qui aurait pu se cacher derrière certains articles. Et de ce fait, ils n'ont eu de cesse de réduire toute avancée vers les droits des patients. En séance, ont été ainsi adoptés plusieurs amendements. L'un visant à limiter la procédure collégiale, aux seuls cas où le patient est hors d'état d'exprimer sa volonté. Un autre, surtout, a tenu à préciser que «la nutrition et l'hydratation artificielles ne rentrent pas dans le cadre de l'acharnement thérapeutique, et ne peuvent donc être considérées comme un traitement, dans la mesure où elles ne visent pas un effet thérapeutique mais répondent à un besoin fondamental du patient». Un tel amendement est un recul complet par rapport à la loi Leonetti, et interdirait, par exemple, toute fin de vie à Vincent Lambert. Dans le cas de la sédation terminale, le caractère continu a donc été supprimé, les auteurs de l'amendement estimant que cette formulation est dangereuse «en cela qu'elle ne laisse aucune marge d'appréciation au médecin quant à la poursuite de la sédation ».
Dernière reculade votée par les sénateurs, concernant les directives anticipées, que tout un chacun peut écrire. Les députés avaient souhaité leur donner un caractère contraignant, les sénateurs l'ont limité, ces directives ne devant pas être contraires aux pratiques. Et ils ont précisé «que les directives anticipées peuvent être révoquées par tout moyen, c'est-à-dire, sans formalités particulières (verbalement, par vidéo ou message téléphonique oral ou écrit…)». Ce que nul ne contestait, déjà. Au final, c'est la frange la plus conservatrice des sénateurs de droite qui a gagné. Ironie de l'histoire, la loi Leonetti, qui devait être légèrement améliorée par ce texte, en ressort même affaiblie.