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Libération

Liberté, égalité… OK, mais efficacité ?

Théoriquement, la France est un paradis. Mais tout n’irait-il pas mieux si tout allait mieux ?
publié le 19 juin 2015 à 18h47

Si j’ai bien compris, efficacité est un maître mot contestable. Dans la lutte contre Al-Qaeda, les Américains ont encore tué le numéro 2, en attendant d’éliminer à nouveau le numéro 1 - ça, c’est du concret. C’est dans une lutte du même ordre que sont engagés les policiers marseillais qui ont encore arrêté le numéro 102 de la filière régionale de la drogue et démantelé une cellule en voie de reconstitution. D’Outreau au Carlton, pour des raisons diverses mais dans des domaines adjacents, la justice a mis le temps mais a fini par triompher, quoique ce ne soit pas l’opinion générale.

Pour la loi Macron, le gouvernement a estimé plus efficace de ne pas perdre son temps à voter avec explications de vote et tout, tandis qu’il aurait été plus efficace pour les frondeurs de montrer devant toutes les télévisions les réticences, pour ne pas dire plus, qu’ils ont envers cette loi scélérate à l’adoption de laquelle ils ne s’opposeront cependant pas, pour ne pas faire trop. En matière de lutte contre les réfugiés, les autorités donnent aussi leur pleine mesure. L’efficacité commande de les laisser à la frontière franco-italienne, la Riviera des réfugiés, si j’ai bien compris. Mais s’il y a aujourd’hui en France un champion de l’efficacité, un parti qui sait régler les problèmes internes, en attendant peut-être un jour de s’occuper des problèmes externes, c’est malheureusement le Front national. D’un autre côté, l’efficacité n’est pas la valeur étalon. Ce gouvernement qui lutte contre le chômage avec un insuccès total, tel un groupe d’officiers écopant à la petite cuillère les cales du Titanic sous les ricanements des passagers, ne peut-on pas mettre en valeur son courage ? Si j’ai bien compris, notre bombe atomique ne se révèle pas d’une dissuasion très efficace sur les multiples fronts où nos armées sont engagées. Contre le chômage, zéro, et pareil contre les spéculateurs qui ne vont pas tarder à nous rechercher des poux dans l’euro, maintenant que l’Europe entière se retrouve la tête sous une ardoise de Damoclèsos. Question dissuasion, c’est comme si la France avait autant à redouter les forts que les faibles, les riches que les pauvres, les gentils que les méchants. Si j’ai bien compris, le pays est réduit à un simple domino pris dans une théorie. Le point où nous sommes le plus efficaces avec les armes, c’est pour les vendre (mais rien qu’à ceux qui sont du bon côté, même si souvent guerrier varie). C’est le côté Darty de la France : elle propose même le service après-guerre avec sa diplomatie.

Mais le mystère demeure : pourquoi les Allemands sont-ils plus efficaces ? Ils viennent de découvrir les vertus du salaire minimum, ce n’est donc pas qu’ils sont avant-gardistes en matière de politique sociale. Si j’ai bien compris, contrairement aux préjugés, l’Allemand serait plus flexible dans ses bottes que le Français. Parce qu’il est impossible de dénier ça aux Allemands : l’efficacité, ils ont l’air d’être tombés dedans quand ils étaient petits. Gagner, ce n’est pas inaccessible puisqu’eux y arrivent. On ne les entend guère, mais ils ont des grosses voitures. Si j’ai bien compris, c’est ça qui manque aux Français, la culture de l’efficacité.