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Libération
Enquête

Le terreau jihadiste lyonnais scruté à nouveau

Les services de renseignement se penchent sur les liens éventuels entre le groupuscule Forsane Alizza et le principal suspect de l’attentat contre Air Products, Yassin Salhi.
Des policiers de la BRI en intervention vendredi à Saint-Priest (Rhône), dans l'immeuble de la famille de Yassin Sahli, le suspect de l'attaque d'Air Products. (Photo Philippe Desmazes. AFP)
publié le 26 juin 2015 à 20h26

Ces derniers mois, la région était sous très haute surveillance. Car la banlieue lyonnaise est l’un des redoutables terreaux du terrorisme islamiste. Et cela depuis une vingtaine d’années. Qu’elle ait été le cadre d’un attentat ce vendredi ne surprend guère les spécialistes de la surveillance du territoire, sans qu’on ne puisse établir un lien solide et direct entre le principal suspect et les réseaux islamistes lyonnais.

Récemment, la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) y a mené plusieurs opérations, particulièrement à Meyzieu (Rhône), en septembre 2014 et en février 2015, interpellant une douzaine de personnes suspectées de vouloir se rendre en Syrie.

Moyenâgeuse. L'implantation de cellules islamistes remonte aux années 90. A cette époque, le Groupe islamique armé (GIA) avait développé ses réseaux à Chasse-sur-Rhône et à Vaulx-en-Velin. Le maître des attentats de 1995, Khaled Kelkal, était lui-même originaire de Vaulx-en-Velin. «La région lyonnaise est une petite Seine-Saint-Denis où se mélangent les réseaux islamistes et ceux du banditisme», souligne une source policière. Le groupe Forsane Alizza, dissous par Claude Guéant le 1er mars 2012, a été lui-même très bien implanté dans la banlieue lyonnaise. «On cherche de ce côté la aussi», précise un policier lyonnais des services de renseignement, évoquant l'enquête en cours sur Yassin Salhi - le suspect de l'attentat contre Air Products. Plusieurs membres de Forsane Alizza ont été repérés et interceptés dans la région lyonnaise. C'est le cas notamment de Reda Bekhaled qui avait été arrêté, en septembre 2014, dans le cadre d'un vaste coup de filet lancé dans la région lyonnaise contre les filières de recrutement de jihadistes vers la Syrie. Selon les services de renseignement, Bekhaled préparait un attentat à l'occasion d'une soirée-débat sur l'antisémitisme organisée le 18 septembre 2014 au siège de la région Rhône-Alpes pour célébrer les 70 ans du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif).

Quatre ans plus tôt, en juin 2010, un autre membre de Forsane Alizza, Baroudi Bouzid, avait été condamné par le tribunal correctionnel de Lyon à deux ans de prison dont une ferme pour privation de soins. Au nom d’une conception moyenâgeuse de la religion, ce père de cinq enfants, arrivé en France dans les années 70, avait maintenu sa famille dans un isolement total. Les plus jeunes enfants, cloîtrés dans un appartement aux vitres occultées, présentaient de graves carences de croissance.

Mourad Fares, l’un des principaux recruteurs de jihadistes français pour la Syrie, avec Omar Diaby à Nice, a vécu à Lyon où il s’est radicalisé. Le 18 août 2014, Fares, originaire de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) et titulaire d’un bac scientifique qu’il a décroché à Lyon, était arrêté par les autorités turques et extradé en France. Depuis, il est placé en détention dans la région parisienne. D’abord lié à ce qui allait devenir, en juin 2014, l’Etat islamique, Mourad Fares est passé dans les rangs de l’organisation concurrente, le Front al-Nusra une organisation affiliée à Al-Qaeda. Il a organisé le départ d’une dizaine de jeunes strasbourgeois du quartier sensible de la Meinau en décembre 2013.

Salafistes. Pour le moment, aucun lien entre toutes ces personnes et le suspect de l'attentat contre Air Products n'a été établi. Vivant depuis six mois à Saint-Priest, on ne sait pas non plus s'il fréquentait la mosquée. Avec ses 9 000 m2, l'édifice est l'un des lieux musulmans les plus importants de la région. «Cette mosquée nous inquiète beaucoup», remarque l'un des leaders de l'islam local. Liée aux réseaux algériens, sans imam attitré depuis plusieurs mois, elle est la cible de groupes salafistes qui souhaiteraient en prendre le contrôle. Comme ailleurs en France, l'islam de la région est sous pression de plus en plus grande de la galaxie radicale.