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Libération
Chronique «Aux petits soins»

En réanimation, les SDF aussi bien traités que les autres patients

Une étude inédite montre que sur près de 10 000 personnes admises dans le service de l'hôpital parisien Saint-Antoine, aucun facteur discriminant n'a joué.
L'hôpital Saint-Antoine, dans le XIIe arrondissement de Paris. (Photo Benjamin Gavaudo. AFP)
publié le 30 juin 2015 à 9h11

On dit bien du mal de l’hôpital public, on dénonce régulièrement les délais d’attente aux urgences, l’indifférence parfois face aux patients, comme on note le spleen récurrent du personnel.

Et voilà qu’une étude nous montre que tout n’est pas pourri dans le royaume hospitalier. Et que l’accès aux soins des plus démunis, les SDF en particulier, est tout à fait honorable dans les services de réanimation; pas de discrimination, chacun bénéficie des mêmes examens médicaux.

Ce sont les médecins de réanimation médicale et le service social de l’hôpital Saint-Antoine à Paris qui ont lancé cette longue et belle étude, en travaillant sur l’épidémiologie et le pronostic des personnes sans domicile admises en réa. Pour cela, ils ont repris leurs fiches. Et se sont appuyés sur les séjours des personnes admises dans le service de réanimation médicale de l’hôpital parisien sur une période de douze ans et demi. Cela représente près de 10 000 séjours entre juillet 2000 et décembre 2012. Parmi les 9 774 admissions retenues, 421 (4,3%) ont concerné des personnes sans domicile (1).

«Evidemment, les patients ne sont pas les mêmes, leurs pathologies non plus», nous explique le professeur Bertrand Guidet, chef de la réanimation de l'hôpital Saint-Antoine, «et on ne peut pas comparer comme cela des patients SDF et les autres. Mais on a mis au point des critères de sous-groupes. Et à la question que l'on se posait sur une éventuelle perte de chances quand on est sans domicile, la réponse de notre étude est sans appel. Il n'y en a aucune, les patients sont traités exactement de la même façon, et quand on regarde les actes médicaux majeurs, ils sont identiques».

Un constat qui n'était pas évident en soi : des travaux américains montrent ainsi qu'outre-Atlantique, on note clairement «une réduction de l'intensité des soins et une surmortalité chez les personnes sans couverture sociale admises en réanimation». Dans l'étude parisienne, la moitié des SDF n'avaient pas de couverture sociale, 56% n'avaient aucune ressource financière, et plus de 90% n'avaient aucun entourage social ou familial. Les séjours des personnes sans domicile concernaient plus souvent des hommes (89% versus 57%), des personnes plus jeunes (49 ans versus 62 ans). Et le motif principal d'admission était différent : une personne sans domicile sur trois a été admise pour coma alors que la proportion correspondante chez les personnes ayant un domicile était d'une sur cinq.

Une des rares différences de traitement apparaît dans la durée de séjour : le temps moyen passé à l’hôpital par les patients sans domicile est significativement plus long que celui des patients ayant un domicile : 6,5 jours contre 5,6 jours. Et la différence monte à plus de quatre jours lorsqu’on retient la totalité du séjour hospitalier.

«Au finale, note le professeur Guidet, on peut être rassuré par ces résultats : l'accès aux soins de pointe pour tous n'est pas un mythe, il reste que cela pose un problème médico-économique réel. La tarification par activité qui nous est imposée n'intègre pas ces critères sociaux et ne tient pas compte des durées de séjour plus longues.» Avec donc le risque, en ces temps de rigueur, que l'on dise aux équipes : «Attention, cela coûte plus cher»…

(1) Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue «Critical Care Medicine».