Près de deux ans après la création des Ecoles supérieures du professorat et de l'éducation (Espé) chargées de former les professeurs des écoles, le SNUipp-FSU, le premier syndicat du primaire, demande la remise à plat du système. Si l'enquête, publiée par le syndicat mercredi, pèche un peu dans sa représentativité (1244 réponses sur un total de 16 512 professeurs stagiaires), elle révèle des tendances inquiétantes. Les nouveaux professeurs se disent débordés par la masse de travail concentrée en une année : entre heures de classe, heures de formation, et leur master 2 à valider, 72% se sentent débordés et stressés (63%). Le suivi, quant à lui, est inégal et laconique. Entretien avec Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp-FSU.
Une part énorme - 82% - des répondants à votre sondage s'estime insuffisemment préparée pour avoir la responsabilité d’une classe… La formation est-elle mal conçue ?
Les Espé ne délivrent pas toujours ce dont les profs ont besoin. Il n’y a aucun enseignement sur la gestion de la classe, sur la cohésion entre les élèves… L’hétérogénéité des enfants est un gros problème par exemple qu’il faut apprendre à gérer : tous les enfants n’ont pas les mêmes niveaux, les mêmes acquis et les mêmes rythmes de travail. Le contenu de la formation est très variable d’un Espé à l’autre, le cadrage de l’éducation nationale est beaucoup trop souple. Il faut recentrer le programme sur des problèmes comme la gestion de l’hétérogénéité, sur les enseignements propres à la maternelle et à l’école primaire, comme le langage, la lecture, la numération, la psychologie de l’enfant… N’oublions pas qu’outre leur formation à l’école, les lauréats au concours de prof des écoles ont en charge une classe à mi-temps avant même d’être titularisés !
Au-delà de la formation, les difficultés dont ils font état ne peuvent-elles pas être attribuées au simple fait qu’ils sont débutants ?
C’est tout à fait normal de ne pas se sentir préparé quand on débute. Ce qui nous interpelle, c’est le sentiment de stress ; d’être débordé, d’avoir tout concentré sur une année. Ils doivent jongler entre la classe, la formation théorique et la validation de leur master 2. C’est impossible.
Les choses ne se sont-elles pas améliorées avec le rétablissement des formations au profit des nouveaux professeurs qui avaient été supprimées en 2008 ?
En effet, à l’époque, les lauréats du concours ont été bombardés dans les classes sans recevoir de formation initiale et encore moins une formation continue. En 2012, la création des Espé a été une rupture heureuse, puisqu’on a considéré que ce besoin de formation initiale des enseignants était la moindre des choses. Dans cette enquête, on ne dresse pas un tableau noir, on pose simplement un regard sur les enseignants stagiaires qui expérimentent la nouvelle formation dans les Espé. Certes les stagiaires ne sont plus jetés dans le grand bain sans rien. Pour autant, la formation qui leur est dispensée est jugée encore insatisfaisante face au métier qui les attend.
L’Education nationale n’a-t-elle pas négligé le suivi sur le terrain des profs qui débutent ?
Oui, c’est ce qui nous a le plus surpris:on a découvert que 67% des enseignants stagiaires qui ont répondu à notre questionnaire déclarent n’avoir reçu qu’une à trois visites dans l’année de la part de leur tuteur. Ils ont plus un rôle d’évaluateur que de conseiller. Un écart renforcé par le fait que 95% d’entre eux n’exercent pas dans le même établissement que les profs débutants qu’ils encadrent.