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Libération
A la barre

Dominique Cottrez, neuf ans de prison entre «préméditation» et «altération du discernement»

Jugée pour avoir étranglé huit de ses enfants à la naissance, Dominique Cottrez a été condamnée jeudi à neuf ans de prison.
Dominique Cottrez, avec son avocat Franck Berton, à la cour d'assises de Douai, mercredi. (Photo Denis Charlet. AFP)
publié le 2 juillet 2015 à 16h51
(mis à jour le 2 juillet 2015 à 19h02)

Elle a donné sa bague à sa fille cadette, son téléphone portable à l'aînée. Elle a dit qu'elle «espérait» aller à la prison de Sequedin (Nord), plutôt que dans une autre, car elle y a déjà passé deux ans, elle y a «des repères». Elle a pris un «petit sac», quelques affaires personnelles et vêtements. «Prête, préparée», confiait-elle, Dominique Cottrez est entrée dans la salle de la cour d'assises de Douai, jeudi, à 16h30, pour écouter le verdict. La sonnerie a retenti, les magistrats et jurés se sont assis, visages solennels, dans un silence interminable, celui de ces moments là. «Neuf ans», a dit la présidente de la cour d'assises, Anne Segond. Neuf années de prison ferme, pour avoir tué ses huit bébés à la naissance.

La présidente a expliqué: la cour considère «qu'en dissimulant ses grossesses, en préparant» ses accouchements, seule dans sa chambre ou enfermée dans les toilettes de sa maison, Dominique Cottrez avait étranglé ses nourrissons «avec préméditation». Sauf pour le premier d'entre eux, un petit garçon, le seul qu'elle a regardé, qu'elle a d'abord posé sur elle. Le seul, d'après le jury d'assises, pour lequel son récit montre clairement qu'elle n'avait pas prévu ce qui allait arriver. La présidente a ensuite parlé de «l'altération du discernement». «Au regard des expertises psychiatriques», et des difficultés dont souffre l'accusée, il convient de «retenir» cette altération, a lu Anne Segond.

Cela signifie que Dominique Cottrez n'était pas pleinement maître de ses actes lorsqu'elle a tué. Les experts psychiatres l'ont dit. Ils ont retracé sa vie d'enfant non désirée, gavée de nourriture par sa mère, rejetée à l'école, murée dans le silence, traumatisée par un premier accouchement cauchemardesque, négligée par son mari. Ils ont rappelé «la détresse et la solitude» dont souffrait cette aide-soignante de 51 ans, dévouée aux personnes âgées qu'elle assistait, à son mari, à ses filles, «faisant tout pour tout le monde, tout le temps».

« S’il faut retourner en prison, c’est normal»

Cette souffrance de Dominique Cottrez, ce mal-être qu'hurle son corps déformé de 160 kilos, les membres de la cour l'ont vue. Lorsque, pour ses derniers mots, déchirée par les sanglots, elle a demandé «pardon» à ses filles, ses frère et sœurs, ses petits enfants, plusieurs jurés pleuraient aussi. «L'humanité» que leur demandaient les avocats de l'accusée, Marie-Hélène Carlier et Frank Berton, la «compassion» qu'invoquaient les psys et même l'avocat de l'association partie civile Enfance et Partage, Rodolphe Costantino, est lisible dans leur jugement.

La peine qu'ils ont prononcée est inférieure de moitié aux réquisitions de l'avocat général Éric Vaillant, qui lui rejetait l'altération du discernement, et réclamait 18 ans. Les magistrats et jurés se sont levés, ont quitté la salle. Dominique Cottrez a étreint ses filles et son mari dans ses bras. Ils sont restés ainsi de longues minutes, tous les quatre serrés, séparés de l'agitation qui reprenait dans la salle. «Je me sens coupable. S'il faut retourner en prison, c'est normal. Il n'y a que cela qui fera qu'on pourra me pardonner, me comprendre», avait dit l'accusée mercredi. Avant de partir, Dominique Cottrez a demandé à son mari «si ça allait aller».