C'est un jugement que tous ceux, couples hétéros ou homos, qui ont eu des enfants grâce à une gestation pour autrui (GPA) attendent. La Cour de cassation doit aujourd'hui se prononcer en début d'après-midi sur la volcanique question de l'inscription à l'état civil des enfants ainsi nés à l'étranger. A partir de deux cas, ceux de deux enfants nés de GPA en Russie.
Ce jugement de la plus haute juridiction française interviendra un an après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) qui, arguant de «l'intérêt supérieur de l'enfant», avait estimé que la France ne pouvait porter atteinte à «l'identité» des bébés nés de mères porteuses à l'étranger en refusant de les reconnaître.
Identité. Reconnaissance. Donc inscription à l'état civil français ? Donc livret de famille avec une filiation bien établie ? C'est dans la logique du droit français, comme le rappelle Me Patrice Spinosi, avocat du défenseur des droits (Jacques Toubon) qui, lors de l'audience en assemblée plénière de la Cour de cassation sur ce sujet, a longuement plaidé pour que la France, conformément à la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, transcrive à l'état civil français les actes de naissances étrangers de ces enfants parfois qualifiés de «fantômes de la République».
Vers un feu vert ?
Difficile de prédire quel sera tout à l’heure le jugement de la Cour de cassation, mais schématiquement trois options sur la table.
La première : c'est non, et la Cour de cassation campe alors sur ses décisions antérieures. Dans trois arrêts du 6 avril 2011, la Cour a en effet estimé que ne pouvait être désignée comme mère la femme qui n'accouchait pas de ses enfants. Dans deux arrêts du 13 septembre 2013, la Cour a estimé que la transcription sur les registres de l'état civil français ne pouvait être ordonnée «lorsque la naissance est l'aboutissement, en fraude à la loi française, d'un processus d'ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d'autrui». Mais quid de la condamnation de la France par le CEDH du coup ? La Cour peut poser le principe du droit des enfants, de leur intérêt supérieur mais inviter à trouver une autre solution pour les protéger. Mais laquelle ? Un coup à pourrir l'été des éminents juristes de ce pays.
Deuxième option : la cour dit «oui mais». Oui, on transcrit leurs actes de naissance étrangers, mais à condition qu'un test génétique établisse un lien de filiation entre les enfants et leur père, comme l'a demandé le procureur général Jean-Claude Marin. «Ce serait absurde et discriminatoire», soulève maître Spinosi. Les pères «lambda» qui déclarent leur enfant à la mairie sont-ils soumis à de tels tests ? En outre, si une telle solution était retenue, l'enfant n'aurait qu'un seul parent, un seul père, qu'il s'agisse d'un couple homo ou hétéro, sachant que dans la grande majorité des cas (plus de 70%), les GPA concernent des parents hétérosexuels confrontés à un problème d'utérus défaillant. «Que se passera-t-il alors si ce père biologique décède ? Ou simplement si le couple se sépare ?»
Troisième solution : la Cour de cassation donne son feu vert à l'inscription des enfants nés de GPA. «Je suis clairement en faveur de cela, sans réserve, ni condition», expose Patrice Spinosi, qui en appelle à l'article 47 du Code civil, selon lequel les documents d'état civil étrangers doivent être présumés valides. «Depuis les années 2000, dès qu'il y a soupçon de GPA, les dossiers sont bloqués, note Patrice Spinosi avant d'insister : il est temps que ce verrou saute.»