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Libération
Éditorial

L’échalote ou l’audimat

publié le 6 juillet 2015 à 19h36

TF1 lâche Masterchef, désormais relégué sur NT1. Que montrait la dernière émission, diffusée jeudi ? Des amateurs en train de cuire un œuf. Comme son concurrent Top Chef (diffusé au printemps sur M6), Masterchef entretenait une compétition agaçante entre les candidats et filmait en gros plan les larmes écrasées face à l'échec d'un blanc pas assez cuit. Mais se délestait de la dimension glamour, en restant dans le cadre restreint des compétences de néophytes.

Ses mauvaises audiences sont peut-être la preuve qu’on ne peut pas, en cuisine, filmer le quotidien ou les débuts laborieux sans lasser le spectateur. Est-ce une si mauvaise nouvelle que la course à l’échalote du meilleur gâte-sauce cathodique ne fasse plus recette ? Que faute d’audience, on comprenne enfin que l’on ne peut pas toujours filmer la cuisine comme un Concours général avec jury étoilé ?

Aussi stimulante soient-elles pour une profession continuellement en manque de vocations et de bras, ces émissions ont aussi créé de cruels malentendus parmi un jeune auditoire qui a cru que le temps de l'apprentissage pouvait se calquer sur celui de la télévision, que tous les fourneaux menaient au Guide Michelin. C'était oublier qu'apprendre les métiers de bouche tient davantage d'une obscure course de fond que d'une joute télévisuelle, que tourer un feuilletage ou réaliser un roux brun ne suscitera peut-être jamais des records d'audience.

Le déclin de Masterchef pose aussi la question de l'avenir des émissions culinaires à la télévision. Y a-t-il la place pour filmer l'art et la manière de faire à manger sans tomber dans la cuisine spectacle ? La caméra doit pouvoir donner à voir des recettes, des terroirs, des goûts et des saveurs sans en faire un jeu de massacre.