La justice en a-t-elle fini avec l'affaire Agnelet ? Trente-huit ans après la disparition d'Agnès Le Roux, la Cour de cassation a rejeté mercredi le pourvoi de son ancien amant, Maurice Agnelet, définitivement condamné à vingt ans de réclusion pour un assassinat dont on ne sait rien - on n'a jamais retrouvé son corps. Agnelet, 77 ans, peut encore saisir la justice européenne, mais son avocat se donne un délai de réflexion, arguant que la poursuite de la procédure «crée une angoisse» chez les enfants Agnelet, comme dans la famille Le Roux (1).
Ainsi, il appartient au principal concerné de décider si l’on s’arrête là, pirouette finale dans un dossier où la justice a surtout brillé par sa médiocrité. Certes saisie tardivement d’une disparition qui avait échappé à tout le monde, elle a foiré l’enquête dès le début. Agnelet a d’abord été protégé par son statut de notable et franc-maçon, puis il a été condamné sans preuve pour assassinat. Où, quand, comment s’est-il produit ? Nul ne sait. Aux trois procès, on n’a jamais abordé les faits, puisqu’on n’en a aucune idée. L’essentiel du dossier a été monté par la mère de la victime, se substituant aux enquêteurs défaillants. L’ex-avocat a été tour à tour accusé du meurtre (1983), a obtenu un non-lieu (1985), a été de nouveau mis en examen (2004), renvoyé aux assises (2005), acquitté (2006), condamné à vingt ans (2007), rejugé après intervention de la justice européenne (2013) et condamné (2014). A moins que, dans un épilogue inattendu, Agnelet nous révèle ce qui s’est passé, la vérité judiciaire qui s’impose - sa culpabilité - ne repose pas sur un édifice satisfaisant. Pour infliger vingt ans à un accusé, il faut être sûr des faits. Ce n’est pas le cas. La règle de base de notre justice est que le doute bénéficie à l’accusé. Elle est rarement appliquée, car on préfère un innocent en prison à un coupable en liberté. C’est pourtant l’assurance qui nous protège d’éventuels dérapages. En ce sens, l’affaire Agnelet ne concerne pas que sa famille ou les Le Roux. Elle nous regarde tous.