L’odeur très forte d’hydrocarbures est un parfum quotidien dans la zone industrielle de Berre-l’Etang (Bouches-du-Rhône). Mais hier, les effluves étaient peut-être un peu plus prononcés au milieu des pins, tout près du site pétrochimique de LyondellBasell. Derrière le mur de béton qui protège les installations classées Seveso, les canons à eau des pompiers inondaient encore, en fin d’après-midi, l’une des cuves géantes, désormais couronnée de noir en son sommet. Vers 3 heures du matin, un incendie s’est déclenché dans ce bac contenant du naphta, un dérivé du pétrole.
Au même moment, un autre feu a pris à 500 mètres de là, dans une seconde cuve contenant de l’essence. Deux incendies qui se déclarent en même temps à un demi-kilomètre de distance, voilà de quoi intriguer les enquêteurs. Si aucun blessé n’est à déplorer, près de 120 pompiers et une cinquantaine de véhicules des services départementaux d’incendie ont été mobilisés pour venir à bout de ce double sinistre. Le premier a été maîtrisé en début de matinée, mais les secours ont bataillé jusqu’à 11 h 40 pour venir à bout du panache de fumée épaisse qui se dégageait du second bac. Les gros tuyaux chargés de l’eau de l’étang de Berre ont ainsi fonctionné jusqu’en début de soirée afin d’écarter tout risque de chauffe et permettre aux enquêteurs de travailler.
Renfort. En fin de matinée, le vice-procureur d'Aix, Rémy Avon, annonçait qu'une enquête avait été ouverte pour «destruction par incendie», n'excluant aucune piste, de l'accident à l'acte délibéré. L'enquête a été confiée à la section de recherche de la gendarmerie, qui a reçu le renfort de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale. La préfecture a également demandé à LyondellBasell un rapport d'enquête interne. La distance de 500 mètres entre les cuves alimente la thèse de «l'acte malveillant»,une «hypothèse sérieuse» selon les autorités. Mais en droit pénal «malveillant» ne veut rien dire. Soit l'incendie est accidentel, soit il a été provoqué volontairement, et il s'agit alors d'un acte criminel.
Pour certains connaisseurs, la probabilité qu'un feu puisse se déclarer accidentellement dans deux bacs si éloignés est très faible. «Je connais assez bien cette partie du site, et techniquement cela me semble bizarre, souligne Patrick Sciurca, ancien délégué syndical qui a quitté l'entreprise. Ces deux bacs sont situés à une distance importante et ne sont pas connectés. Donc si techniquement c'est bizarre, ça laisse la place à d'autres hypothèses», affirme-t-il.
Site Seveso. Mais si acte criminel il y avait, encore faudrait-il que ses auteurs puissent pénétrer dans ce site Seveso. Les 1 000 hectares bénéficient d'un accès sécurisé «à 100%», assure-t-on du côté de LyondellBasell. Une barrière de béton renforcée par des barbelés ponctués de différents postes de garde entoure l'intégralité des installations et «des rondes sont régulièrement assurées». Autre frein pour l'hypothèse criminelle, avoir les «capacités» d'incendier de telles installations. «Ça ne se fait pas avec une allumette. Pour mettre le feu, il faut s'y connaître», relève Eric Ferber, l'actuel secrétaire du comité d'entreprise, qui veut garder toutes les autres pistes ouvertes. «Il faut être prudent, ça peut partir d'un feu de pompe, d'un feu de caniveau… Il y a une psychose. Je ne souhaite pas alimenter. Des gens travaillent sur le site, je ne veux pas que leurs familles aient peur en les voyant partir.» Car l'activité n'a pas été interrompue à LyondellBasell et a continué normalement.
Mardi, jour du 14 Juillet, seul le personnel affecté aux unités de production était opérationnel, soit un tiers des 900 personnes travaillant sur place. «Dans un premier temps, notre souci concerne la sécurité de nos employés et de nos riverains. Nous mettons tout en œuvre pour minimiser tout effet sur l'environnement. Les fumées visibles n'étaient pas toxiques», a précisé Jean-Pierre Leroy, le directeur des opérations internes de LyondellBasell. Il n'y a pas eu de recommandations particulières pour les populations autour du site. La préfecture a indiqué que les premiers relevés effectués par Airpaca sur plusieurs stations de surveillance de la zone «ne présentent pas de situation anormale de pollution attribuable à l'incendie». Des mesures seront toutefois maintenues ces prochaines heures pour vérifier la qualité de l'air.