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Libération
Récit

Cazeneuve en pilotage direct des services

Le ministre de l’Intérieur veut apaiser les tensions du renseignement, affaibli par les réformes menées par Sarkozy, en misant sur la centralisation.
Bernard Cazeneuve, au Forum international sur la cybersécurité, à Lille, en janvier. (Photo Aimée Thirion)
publié le 16 juillet 2015 à 19h26

Omniprésent sur la com gouvernementale, Bernard Cazeneuve a aussi pris la main sur l’aspect opérationnel. Le ministre de l’Intérieur a clairement affiché l’objectif depuis le 7 janvier : en finir avec les dysfonctionnements des services de renseignement. C’est la mission du nouvel état-major de prévention du terrorisme, tout juste créé et directement rattaché au cabinet du ministre afin de rationaliser l’ensemble du dispositif. Composé d’une dizaine de personnes, cette nouvelle entité rassemble des représentants de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure), de la police judiciaire, de la préfecture de police de Paris et de la gendarmerie. Son nouveau patron, le préfet Olivier-Pierre de Mazières, s’est vu remettre mercredi sa feuille de route.

«Radars». «Il s'agit de fluidifier au mieux les échanges entre tous les services et s'assurer qu'il n'y a pas de trous dans la raquette», résume-t-on dans l'entourage de Cazeneuve. Une sorte de war room calqué sur le groupe informel inter-services qui se réunissait quotidiennement durant les attentats de janvier dans le salon «Fumoir» de la place Beauvau. Des synergies jusqu'ici quasi inexistantes. «C'est vrai qu'il y a des luttes intestines inacceptables entre les services en période de menaces accrues, admet un policier de la sous-direction antiterroriste. Mais cette annonce est avant tout une politisation de la lutte antiterroriste. L'Intérieur cherche à capitaliser politiquement sur la sécurité.» Et à faire oublier les manquements de ces derniers mois.

Sur Saïd Kouachi, l'un des tueurs de Charlie Hebdo, surveillé de février à juin 2014 par la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) avant d'échapper aux radars de la DGSI quelques mois avant la tuerie. Sur Mohamed Merah, le tueur de Toulouse et Montauban, longtemps considéré par les services comme une possible recrue (lire pages 6-7). Ou plus récemment sur Yassin Salhi, auteur de la décapitation dans l'Isère, qui faisait l'objet d'une fiche «S» («menace à la sécurité nationale») en 2006 avant d'échapper à son tour aux radars en 2008, date de création de la DCRI (Direction centrale du renseignement intérieure).

Déperdition. Cette année-là, la fusion des RG et de la DST, voulue par Sarkozy, semble avoir provoqué une importante déperdition d'informations. Devenu la DGSI, le principal service de renseignement intérieur est resté la principale cible des critiques, accusé de faire de la rétention d'informations. Autre problème : le délaissement du renseignement de terrain traditionnel causé par la disparition des RG. Un vide partiellement comblé par la création du Service central du renseignement territorial (SCRT), qui reste le parent pauvre du dispositif. «Quand ils transmettent des notes, ils n'ont aucun retour de la DGSI car les infos deviennent secret défense, et que le SCRT n'y est pas habilité», déplore un ponte du renseignement.

En initiant un dispositif plus centralisé, Cazeneuve espère en finir avec la guerre des services. Il sait qu’il sera désormais le premier visé en cas de nouveau manquement.