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Les gens

La procureure de Tarbes exfiltrée en catimini

La chancellerie a proposé pour le poste d'avocate générale de Toulouse le nom de Chantal Firmigier-Michel, loin des Hautes-Pyrénées, alors que l'Inspection générale des services a été saisie sur de possibles entraves à des investigations visant l'homme fort de la droite locale.
publié le 16 juillet 2015 à 15h02

Une exfiltration discrète. Voilà comment on pourrait qualifier le sort réservé par la chancellerie à la procureure de la République de Tarbes, Chantal Firmigier-Michel, proposée le 8 juillet au poste d'avocate générale de Toulouse. Une mutation en forme de promotion pour celle qui s'est faite épingler, il y a seulement quelques mois, pour sa gestion très personnelle de certaines affaires locales. En octobre 2014, Mediapart révélait ses accointances avec Gérard Trémège, maire LR de Tarbes, ancien député UDF et homme fort de la droite dans les Hautes-Pyrénées. Depuis 2013, Trémège est visé par plusieurs enquêtes judiciaires, notamment pour des trucages de marchés publics et des fraudes à l'Urssaf. En avril, il a été mis en examen pour «prise illégale d'intérêt, favoritisme et trafic d'influence passif». Mais pendant longtemps, il a profité de la mansuétude de la procureure de sa ville.

Un rapport de la Section de recherches (SR) de Toulouse, chargé de l'enquête sur Trémège, montre l'ingérence de Chantal Firmigier-Michel, pourtant déssaisie du dossier au profit du procureur de Pau. Daté du 25 mars 2014, ce rapport fait état de conversations téléphoniques entre la magistrate et l'adjoint au maire. «Afin que les renseignements recueillis soient communiqués directement à Gérard Trémège», précisent les pandores, qui feront chou blanc à chacune de leur perquisition à la mairie de Tarbes. Mais il y a plus gênant encore. Dans une autre écoute, le même adjoint se targue d'avoir fait mener une enquête de police parallèle pour pister certains gendarmes de la SR de Toulouse, le tout avec la bénédiction de Chantal Firmigier-Michel. «C'est nous, par l'intermédiaire du procureur de la République, qui avons envoyé un équipage de la police nationale», affirme fièrement l'adjoint. La magistrate ira même jusqu'à prodiguer des conseils pour contrer la procédure des gendarmes.

Après ces révélations, une enquête a été confiée à l'Inspection générale des services judiciaires (IGSJ) afin de recueillir tous les éléments qui auraient pu perturber les investigations visant Gérard Trémège. Mais rien n'a filtré sur ses conclusions. «Vous imaginez bien que si elles étaient négatives, la ministre n'aurait pas pris le risque de proposer le nom de Chantal Firmigier-Michel», se contente-t-on de répondre dans l'entourage de Chritiane Taubira. Reste à savoir quelle sera la position du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), saisi de cette demande et destinataire de l'enquête de l'IGSJ. Pour les nominations au parquet, contrairement à celles du siège, le CSM ne dispose que d'un avis simple, que la ministre n'est pas tenue de suivre. Mais depuis qu'elle est place Vendôme, Christiane Taubira s'y est toujours conformée.