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Libération

2030, horizon fragile pour le zéro positif

Selon une étude de l’Onusida, il pourrait bientôt ne plus y avoir de nouvelles infections.
publié le 20 juillet 2015 à 19h46

Une génération sans sida dans quinze ans : c’est l’objectif que s’est fixé l’Onusida (le programme de l’ONU pour coordonner l’action des agences spécialisées) en présentant, le 14 juillet, l’état des lieux de l’épidémie. Et le plus réjouissant, c’est qu’en lâchant ces mots, Michel Sidibé, directeur de l’organisation, n’a pas été taxé de «doux rêveur». Comme si cet horizon, hier inatteignable, ne pouvait plus reculer.

«Comment le sida a tout changé». Tel est le titre de ce rapport de l'Onusida, qui fait un rapprochement entre la situation au début des années 2000 et celle d'aujourd'hui, puis avec les prévisions pour les quinze ans à venir, si l'effort mondial se poursuit. Les résultats sont spectaculaires : jamais, dans l'histoire de l'humanité, il n'y a eu une telle réponse planétaire face à ce qui est véritablement «la plus grosse catastrophe sanitaire qu'a connue le monde», selon l'expression de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Des milliards pour la lutte. 15 millions de personnes bénéficient d'un traitement anti-sida. C'est le chiffre le plus parlant de ce combat. En 2001, ils étaient à peine un million et, pour la plupart, vivaient dans les pays riches. Grâce au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et la malaria, créé en 2002, la donne a radicalement changé : quinze fois plus de malades sont traités. Des engagements ont été pris et concrétisés par les pays du Nord : en 2015, près de 22 milliards de dollars (plus de 20 milliards d'euros) ont été engagés dans la lutte contre le sida (contre 5 milliards de dollars en 2001). Si l'effort est maintenu, en 2030, 32 milliards de dollars (plus de 29 milliards d'euros) seront versés. «Si on continue ainsi, note le directeur de l'Onusida, nous pouvons faire en sorte qu'en 2030, toute personne dans le monde puisse bénéficier d'un traitement.»

D'autres données épidémiologiques soulignent ces progrès. En 2001, il y avait 3 millions de nouvelles infections par an : en 2014, environ 2 millions, et en 2030, il est possible qu'il n'y en ait quasiment plus. Quant au nombre de décès liés au VIH, il a chuté en dix années de plus de 40 % : l'Onusida table sur moins de 200 000 décès en 2030. «L'espérance de vie d'une personne vivant avec le sida était de 36 ans en 2001, détaille encore Michel Sidibé. Aujourd'hui, elle est de 55 ans. En 2030, cette espérance de vie pourrait être la même que pour une personne séronégative.» Evolution impressionnante aussi chez l'enfant : en treize années, le nombre d'infections nouvelles est passé de 580 000 à 220 000, et il pourrait disparaître complètement. Il est possible qu'il n'y ait presque plus d'orphelins du sida en 2030.

Ces indices épidémiologiques prouvent l’efficacité de la riposte. En 2015, le rapport montre que dans les 83 pays où se trouvent plus de 80 % des personnes infectées dans le monde, l’épidémie s’est arrêtée. Et elle commence à régresser, y compris dans des pays aussi touchés que l’Inde, le Kenya, le Mozambique, l’Afrique du Sud ou le Zimbabwe.

Silence. Pour autant, il subsiste des points de blocage. «En matière de prévention, je reste déçu, lâche Michel Sidibé. Nous pourrions faire beaucoup plus, en particulier pour mieux protéger les adolescentes et les jeunes femmes en Afrique. Il nous faut des outils de prévention pour les filles, comme nous avons besoin de mieux travailler avec les mouvements qui luttent contre les violences liées au genre.»

Et on ne peut passer sous silence la très mauvaise situation dans les pays de l’est de l’Europe ou d’Asie orientale, où les contaminations liées à la toxicomanie se poursuivent à un niveau élevé.

«Au congrès de Vancouver, ces questions de prévention vont être centrales,explique Jean-François Delfraissy, directeur de l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales (ANRS). En particulier celle du dépistage. Car sur les 37 millions de personnes aujourd'hui infectées par le virus, au moins 15 millions ne connaissent pas leur statut. Il faut les dépister, les traiter, c'est là l'enjeu si l'on veut atteindre les objectifs de l'Onusida.»

Reste que ce rapport montre que l'argent investi dans la lutte contre le VIH n'a pas été perdu : l'action mondiale a permis de casser l'épidémie, mais pas de l'éradiquer. Michel Sidibé insiste: «Les cinq prochaines années seront décisives. Si la riposte baisse en intensité, alors elle peut redémarrer.»