En juillet 1996, il y a près de vingt ans, la 11e conférence de la Société internationale sur le sida s'ouvrait. Et marquait un tournant décisif dans l'histoire du traitement de la pandémie : pour la première fois, des études montrant l'efficacité de nouveaux traitements à base de plusieurs molécules étaient présentées, les fameuses trithérapies. Aujourd'hui, toujours dans la ville canadienne et dans la même salle des congrès, est présenté, comme un symbole, le cas de cette Française de 19 ans (lire pages 2-3), en complète rémission du sida depuis près de treize ans. Avec en plus un plaidoyer des congressistes pour «placer les personnes immédiatement sous traitement aux antirétroviraux, dès leur diagnostic». Saisissant raccourci : en presque vingt ans, la pandémie a changé de cours, pour devenir une maladie chronique, non contaminante pour les patients qui prennent leur traitement, et avec l'objectif d'un arrêt des contaminations dans les quinze ans à venir.
A Vancouver, en 1996, l'ambiance était unique, mélange fou d'espoirs mais aussi de colères. Lors du discours d'ouverture, Peter Piot, alors directeur de l'Onusida, lançait avec émotion : «L'épidémie demeure considérable, instable, et en majeure partie invisible. Le VIH continue de faire courir des risques à chaque habitant de notre petite planète. Mais, aujourd'hui, contrairement à la situation qui prévalait il y a deux ans, nous avons des motifs sérieux d'espérer.» «Comment parler d'espoir, exhibait aussitôt la pancarte d'un activiste, quand 92% des personnes touchées par le virus vivent dans des pays en voie de développement, et n'ont accès à aucun médicament ?» Eric Sawyer, militant historique de la lutte contre les ravages de l'épidémie aux Etats-Unis, criait : «Cessez de mentir et de prétendre qu'il y a des traitements ! Il n'y en a pas. La quasi-totalité des malades n'en ont pas. Nous avons besoin d'une nouvelle initiative mondiale. Je déclare aux industries pharmaceutiques : il est temps de baisser vos prix. Autrement, nous allons nous battre pour que l'on vous retire vos brevets.»
En juillet 1996, les 10 000 participants de la conférence n'ont cessé d'osciller entre colère et espoir. Des centaines de malades présents se rendaient compte du virage qui se profilait. En même temps, ils ne voulaient pas manquer de fidélité à l'égard des millions de leurs proches morts. «Si nous continuons à travailler dans ces directions, affirmait le professeur Gallo, star américaine, mon espoir et ma croyance sont que, dans un futur proche, les gens infectés arriveront à vivre avec le virus sous contrôle.»
Dix-neuf ans plus tard, c'est le cas. «Vancouver va une nouvelle fois écrire l'histoire, a déclaré, dimanche, le coprésident de la conférence, Julio Montaner. Nous avons l'opportunité d'éradiquer la pandémie. Encore faut-il que les responsables politiques sur tous les continents agissent en ce sens.»