Nouvel épisode ce jeudi 23 juillet dans le feuilleton Vincent Lambert. Le docteur Simon réunit en fin de matinée la famille Lambert au CHU de Reims pour annoncer la décision de la «procédure collégiale» concernant l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation de cet homme de 38 ans, en état végétatif depuis un accident de la route en 2008. Tout porte à croire que la décision sera celle d’un arrêt des soins, comme le permet la loi Leonetti. Une issue contestée par les parents de Vincent Lambert, qui militent pour le maintien en vie de leur fils contre l’avis de sa femme.
Intégristes. Ce combat, les parents ne le mènent pas seuls : proches de la fraternité Saint-Pie-X, ils sont soutenus depuis le début par les milieux catholiques traditionalistes. Depuis 2013, date de la première décision d'arrêt des soins par le corps médical, les milieux intégristes ont nourri l'affaire, qui a pris une tournure idéologique et religieuse. Des blogs influents comme Riposte catholique, Salon beige, et des mouvements comme le Printemps français ont apporté leur soutien aux parents Lambert. Deux ans plus tard, alors que l'affaire vit ses dernières convulsions, les militants tentent le tout pour le tout. Le «comité de soutien» de Vincent Lambert, «Je soutiens Vincent», a appelé à manifester devant l'hôpital à 14 h 30. Des radicaux préconisent des actions plus poussées, comme cette «liste de propositions pour sauver Vincent Lambert» qui circule sur les réseaux sociaux. Parmi elles, pêle-mêle : le blocus des fournitures alimentaires du CHU, empêchant tous les patients de manger tant que Vincent Lambert ne sera pas réalimenté, ou carrément l'enlèvement, à l'approche de la décision, de l'équipe médicale et «d'un ou plusieurs des membres de la Cour européenne des droits de l'homme [la CEDH qui a rejeté le recours des parents Lambert en juin, ndlr] dans un endroit secret, sans alimentation ni hydratation».
Depuis mardi, les militants relayent abondamment l'appel des évêques de Rhône-Alpes, région où habitent les parents Lambert. Dans cette tribune publiée sur le site internet du diocèse de Lyon, le cardinal Philippe Barbarin, figure des milieux traditionalistes et pro-vie, et les archevêques de la région sous son autorité s'opposent à l'arrêt des soins pour le patient tétraplégique. Une prise de position qui tranche avec celle de l'Eglise de France qui, par la voix de Mgr Pierre d'Ornellas, chargé des questions bioéthiques à la conférence des évêques de France, a annoncé faire confiance au corps médical. MePaillot, un des avocats des parents Lambert, retient surtout le soutien du cardinal Barbarin. «Ça fait chaud au cœur. Quand on a le sentiment d'être Dreyfus la veille de sa dégradation, ça fait du bien d'entendre quelques voix qui se lèvent.»
Référé-liberté. Son collègue et lui-même resteront à Strasbourg jeudi, «pour préparer le référé». Car même si le docteur Simon venait confirmer l'arrêt des soins, les parents de Vincent Lambert n'ont pas dit leur dernier mot (judiciaire) : ils ont d'ores et déjà fait part de leur intention de saisir le tribunal administratif dans le cadre d'un référé-liberté. Le juge administratif doit trancher dans les quarante-huit heures si une liberté fondamentale a été gravement violée par l'administration. En parallèle, les avocats des parents ont porté plainte contre le docteur Simon, son prédécesseur, le docteur Kariger, et le CHU, pour «tentative d'assassinat» et «mauvais traitements», entre autres.
Autant d'ultimes tentatives après deux ans de procédures. Les deux camps - la femme, le neveu et une bonne partie des frères et sœurs souhaitent l'arrêt des soins alors que les parents s'y opposent - s'affrontent devant les tribunaux depuis 2013, et les possibilités de recours s'amenuisent depuis que le Conseil d'Etat puis la CEDH ont donné raison aux premiers. Cette confrontation idéologique et judiciaire a scindé la famille en deux, à tel point que le conseil de famille qui s'est déroulé le 15 juillet au CHU de Reims a dû entendre chaque membre séparément, «pour éviter les conflits».
Contrastant avec des militants pro-vie de plus en plus véhéments à l'approche de la décision, la femme de Vincent Lambert, Rachel, semble usée par deux ans de combats judiciaires. Considérée par les médecins comme le référent légitime de son mari, elle a décidé de ne pas faire appel dans le cas où le docteur Simon déciderait de maintenir en vie son mari. «Elle a toujours fait confiance à l'équipe médicale. S'ils pensent qu'il y a encore un espoir, elle fera tout pour que cet espoir puisse subsister», explique son avocat, Laurent Pettiti. Un apaisement qui peut s'expliquer par la quasi-certitude que le docteur Simon confirmera ce jeudi leur volonté de laisser mourir Vincent : pour l'avocat de l'épouse Lambert, «il n'y a pas d'évolution médicale depuis la dernière expertise demandée par le Conseil d'Etat ; la décision des médecins est donc tout à fait prévisible». Un apaisement encouragé par Véronique Fournier, médecin du centre d'éthique clinique de l'hôpital de Cochin, à Paris : «L'important maintenant, c'est de faire le calme autour de cette équipe pour que la décision qui a été mûrement réfléchie puisse se faire dans la sérénité. Moins on montera au créneau, mieux cela sera pour toutes les parties impliquées.»