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Libération
Interview

«"Têtu" est devenu mou du cul.»

Didier Lestrade essayiste, cofondateur d'Act-Up et de Têtu
publié le 22 juillet 2015 à 19h46

Le numéro de juillet-août de Têtu avec Mika «qui se jette à l'eau» en couverture risque d'être le dernier. Faute de repreneur, le seul magazine gay français pourrait être mis en liquidation judiciaire ce jeudi par le tribunal de commerce, a indiqué son rédacteur en chef adjoint Sylvain Zimmermann. Confondateur d'Act Up puis de Têtu - d'où il a été viré en 2008 -, Didier Lestrade analyse dans une interview à Libération les raisons de cet échec.

«Têtu a complètement raté le coche d'Internet. D'abord, ils n'ont jamais valorisé le trésor de guerre que représentent leurs archives. Sur la genèse de l'histoire du sida, les articles LGBT, les reportages sur la condition des homos au Maghreb, au Liban, ils ont les meilleurs articles. Tout est numérisé, indexé, il suffirait d'appuyer sur un bouton et de mettre un lien, mais ils ne l'ont jamais fait», déplore-t-il. Mais c'est sur la ligne éditoriale que Didier Lestrade l'activiste historique de la cause LGBT se montre le plus critique : «Sur le fond, ils n'ont pas pris de risque en termes de polémique, de rigolade ou même de sarcasme, c'est-à-dire de tout ce qui a fait le succès des sites et des réseaux sociaux. Le gros problème de Têtu, c'est qu'il est détesté par tout le monde, comme le "journal de style de vie et de crème solaires".»

Cette normalisation ne miroite-t-elle pas celle des homos dans la société ? Pour Didier Lestrade, il reste de nombreux combats à mener. «L'histoire de la loi sur le mariage pour tous, qui a duré plus de dix-huit mois, aurait dû porter Têtu. Mais ils ont mis trop de temps à prendre la mesure de la violence de la réaction des anti regroupés dans la Manif pour tous. Ils ne se sont pas fait l'écho non plus du mécontentement lié à l'abandon par le gouvernement de gauche de la PMA pour les lesbiennes et de la GPA, juge-t-il. Sur la sexualité, le VIH, il y a encore beaucoup de choses à dire et à écrire. Je considère qu'il y a toujours un besoin de mise en perspective sur la question des gays, des lesbiennes et des trans. Tous ces articles de synthèse, ils ne les font pas. Pourquoi ? Parce qu'ils sont devenus mous du cul.»