Coup de théâtre au CHU de Reims ce jeudi. A la surprise générale, le Dr Simon, qui devait se prononcer sur l'arrêt des soins de son patient Vincent Lambert a décidé de se référer au ministère de la Santé quant aux suites à donner à ce dossier. Le Dr Simon a également déclaré à la famille qu'elle souhaitait saisir le procureur de la République, car Vincent Lambert aurait été victime d'un projet d'enlèvement. Elle a par ailleurs demandé la mise sous protection de son service qui aurait fait l'objet de menaces.
Après l'annonce donnée à la famille, Rachel Lambert, l'épouse de Vincent Lambert est apparue en pleurs à la sortie du CHU. Elle en veut notamment aux militants pro-vie : «Ce sont des groupes de pression qui terrorisent l'hôpital. Ce moment devait être intime, je suis choquée qu'on puisse dire "Je suis Vincent, je suis sa voix" alors qu'ils ne le connaissent même pas.» Après deux ans de parcours judiciaire, l'épouse pensait «qu'avec la décision de la Cour européenne des droits de l'homme (qui a validé l'arrêt des soins NDLR), Vincent pouvait enfin être respecté.»
Egalement ému aux larmes, le neveu, François Lambert est sous le choc : «On ne vit pas dans un État de droit mais un État où les intégristes font ce qu'ils veulent.» La soeur de Vincent, Marie, s'en prend, elle aussi, aux militants issus des milieux catholiques traditionnalistes : «C'est une forme de terrorisme catholique qu'ils mettent en place, ils sont prêts à tout»
Dans une déclaration écrite transmise à l'AFP, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, «apporte tout son soutien à l'équipe soignante». D'après la ministre, le corps médical «n'a pas pris cette décision parce qu'elle refuse d'arrêter le traitement de Vincent Lambert […] Mais parce qu'elle considère que les conditions de sécurité et de sérénité nécessaires pour mettre en œuvre ce type de décision ne sont pas réunies.»
De son côté, c'est sous les applaudissements et les accolades que Viviane Lambert a annoncé la nouvelle aux dizaines de militants présents devant le CHU. «C'est une preuve que Vincent est bien vivant», a-t-elle répété.
Au micro d'i-Télé, le demi-frère de Vincent Lambert, David Philippon, explique : «Le Dr Simon a abordé la partie juridique du cas de Vincent. Elle estime qu'il est en danger, par rapport à certaines menaces qui arrivent de partout. Le docteur a donc saisi le procureur afin qu'il statue sur la protection globale de Vincent.» En plus de sa protection, le procureur devra se prononcer «sur une éventuelle mise sous tutelle» du jeune homme. Pour lui, «c'est un soulagement, c'est une preuve que Vincent est bien vivant si on veut le protéger».
«Ce sont des groupes de pression qui terrorisent l’hôpital»
Cette annonce du Dr Simon a également surpris l'un des avocats des parents Lambert, Me Jean Paillot. Contacté par Libération, l'avocat se félicite de ce retournement de situation : «C'est une grande surprise, nous étions prêts à aller dès cet après-midi au tribunal administratif avec un référé sous le bras. Nous étions persuadés que le Dr Simon allait arrêter les soins.»
Quant aux raisons de cette volte-face du CHU de Reims, l'avocat lui-même semble perplexe. «Je ne sais pas sur le compte de quoi il faut le mettre», explique-t-il. «Je ne sais pas ce qui a joué exactement. Je sais juste qu'un certain nombre de personnes sont intervenues, notamment en sous-marin, comme le professeur Lyon-Caen et des membres du ministère de la Santé.»
Un transfert vers un autre hôpital ?
Cette annonce surprise ouvre la porte vers un éventuel transfert de Vincent Lambert vers un autre hôpital, ce que souhaitent ses parents son demi-frère, qui militent depuis plusieurs mois et qui ont déposé une demande formelle de transfert au CHU le mois dernier. Selon eux, six établissements se seraient portés volontaires pour accueillir Vincent Lambert.
L'affaire a scindé la famille en deux à tel point que le «conseil de famille» qui s'est déroulé le 15 juillet au CHU de Reims a dû entendre chaque membre séparément, «pour éviter les conflits». D'un côté la femme, le neveu, et une bonne partie des frères et sœurs souhaitent l'arrêt des soins alors que les parents qui s'y opposent. Les deux camps s'affrontent devant les tribunaux depuis 2013, et les possibilités de recours s'amenuisent depuis que le Conseil d'Etat puis la CEDH ont validé l'arrêt des soins.
Ces derniers jours, à l'approche de la décision du Dr Simon, la crispation est montée d'un cran autour du cas du patient. Sur les réseaux sociaux, certains militants pro-vie préconisaient des actions très radicales comme le blocus des fournitures alimentaires du CHU, empêchant tous les patients de manger tant que Vincent Lambert ne sera pas réalimenté, ou encore l'enlèvement de l'équipe médicale et «d'un ou plusieurs des membres de la Cour européenne des droits de l'homme dans un endroit secret, sans alimentation ni hydratation».