La SNCF annonce qu'elle va «porter plainte contre la personne qui a mis le tracteur au milieu de la voie» après la collision entre un TGV Paris-Quimper et un tracteur, dimanche. «Le dépôt d'une plainte est avant tout un biais pour communiquer à l'égard des passagers», estime Me Cyril Bourayne, du cabinet Dizier & Bourayne. En gros, il s'agit surtout pour la SNCF de bien montrer que les importants retards subis par les 950 personnes à bord du train et les 6 000 autres qui ont été impactées ne sont pas de son fait. Et donc qu'elle n'a pas à rembourser ni à indemniser.
A ce stade, on ne connaît pas encore précisément les circonstances de l’accident. Tout juste sait-on que le tracteur est tombé sur la voie sans son conducteur, apparemment en raison d’un problème technique, à Noyal-sur-Vilaine (Ille-et-Vilaine). Il aurait vraisemblablement dévalé une pente avant d’atterrir sur les rails. Dans ce cas, qui est responsable ? Et dans les autres cas de collision ? On fait le point.
Dans le cas d’un véhicule présent sur une voie
La SNCF est responsable de ses trains et le conducteur est responsable de son véhicule. Charge donc à chacun de prouver que l'autre est en tort. «Lorsqu'un train prioritaire heurte un véhicule à un moment et un endroit imprévisibles, la SNCF invoque le cas de force majeure», prévient Me Bourayne. «Le train a toujours la priorité. Lui ne peut pas faire autrement qu'avancer, on ne peut pas piler avec un TGV, il y a des dangers en termes de sécurité des passagers du train», abonde Me Alexandre Gruber, avocat spécialisé dans les transports. C'est typiquement le cas de la collision avec le tracteur : comment la SNCF aurait-elle pu s'attendre à ce qu'il déboule en dehors de tout passage à niveau ? «Le conducteur aura du mal à s'exonérer de sa responsabilité», note Me Alexandre Gruber. En invoquant un cas de force majeure, la SNCF s'exonère de toute responsabilité.
Rien n'empêche en revanche le conducteur, dans le cas d'un défaut de frein du véhicule, de «se retourner à son tour contre le constructeur, ou contre l'entreprise chargée de l'entretien du tracteur», précise Me Bourayne.
Lorsque le propriétaire d'un véhicule en a perdu le contrôle suffisamment longtemps avant l'arrivée du train pour en avertir la gendarmerie, «il peut s'exonérer et plaider le cas de force majeure, précise Me Karim Azghay, avocat au Barreau de Bobigny. Mais s'il l'a laissé plusieurs heures et n'a pas alerté les services de sécurité, il sera condamné pour mise en danger de la vie d'autrui.» S'il s'agit d'une voie peu fréquentée et que le véhicule est présent depuis longtemps, la responsabilité incombe également à la SNCF, qui a une obligation d'entretien et de surveillance des voies.
Dans le cas d’une collision à hauteur d’un passage à niveau
La SNCF est responsable de la sécurité sur ses voies et doit donc mettre en place une signalisation adaptée. En cas de collision, «la responsabilité est très facile à déterminer, assure Me Azghay. Il y a forcément une faute humaine ou technique». Humaine si un conducteur force le passage à niveau alors que la signalisation indiquait de s'arrêter, technique sur le système de signalisation n'a pas fonctionné correctement.
A noter que, selon la jurisprudence, une collision à hauteur d'un passage à niveau non protégé ne relève pas nécessairement de la force majeure car l'intrusion d'une personne sur les voies n'y est pas «imprévisible».
Dans le cas d’une collision avec un animal
Il y a ici deux cas de figure :
• Si l’animal appartient à quelqu’un (un zoo, un agriculteur, un particulier), son maître en est responsable.
• Si l’animal n’appartient à personne, l’accident relève d’un cas de force majeure. Si vraiment une victime le souhaite, elle pourra se retourner contre l’autorité gestionnaire de la parcelle où vivait l’animal, chargée d’en assurer la sécurité (l’Office national des forêts, par exemple).
Dans le cas d’un suicide sur les voies
La SNCF n’est pas responsable, il s’agit d’un cas de force majeure.
Dans tous les cas, il revient en revanche à la SNCF, souligne Cyril Bourayne, «de s'occuper des passagers, en leur donnant à boire, de quoi se sustenter ou en leur pourvoyant un hébergement, et de les informer».