Le Royaume-Uni, «pays de Cocagne», selon l'expression utilisée par le ministre de l'Immigration, James Brokenshire ? Depuis quelques jours, le gouvernement britannique s'efforce de prouver le contraire. Dernière mesure, prise ce week-end : le retrait de l'aide sociale accordée aux réfugiés avec enfants en cas de refus de leur demande d'asile. L'objectif est de dissuader les 3 000 migrants qui attendent à Calais de traverser la frontière clandestinement pour rejoindre l'Angleterre. Car de ce côté-ci de la Manche, on le reconnaît désormais, si les Erythréens, Soudanais ou Syriens contraints de fuir leur pays sont déterminés à passer, «ce ne sont pas des clôtures supplémentaires qui les en empêcheront», prévient un membre de la Calais Migrant Solidarity.
Chances. Pourquoi cette île - plus difficile d'accès par définition - leur fait-elle tant envie, au point de risquer leur vie ? Les attaches affectives, tout d'abord. «Il y a des communautés issues de la diaspora qui sont déjà installées. Souvent, ces migrants ont de la famille, des amis, ils sont sûrs de retrouver des membres de leur communauté», explique Zoe Gardner, la responsable de la communication d'Asylum Aid, une des nombreuses organisations qui aident les réfugiés. Le Royaume-Uni présente un autre atout pour ces migrants : la langue. «Certains parlent déjà anglais, donc ce sera plus facile pour eux de vivre au Royaume-Uni qu'en France ou en Allemagne, d'autres veulent apprendre l'anglais pour augmenter leurs chances dans la vie», note Michael Collins, de l'association Right to Remain.
Mais les autres raisons qui font que l'île est attractive sont soit exagérées, soit périmées. Avec un taux de chômage à 5,4 % (contre 10,3 % en France) et une croissance de 2,6 % en 2014, le Royaume-Uni renvoie l'image d'un pays prospère, et «l'impression qu'il est plus facile de trouver du travail», concède Zoe Gardner. Le Premier ministre, David Cameron, le sait trop bien. «Il faut faire du Royaume-Uni un endroit moins attirant pour ceux qui viennent y travailler en toute illégalité», avait-il annoncé juste après sa réélection, en mai. Sa nouvelle loi sur l'immigration pourrait ainsi changer la donne. Jusqu'ici, le gouvernement punissait les employeurs. Désormais, il souhaite s'en prendre aux employés et autoriser les forces de l'ordre à saisir les salaires des travailleurs clandestins.
L'absence de carte d'identité au Royaume-Uni permettrait également de trouver plus facilement du travail. Certes, les immigrés clandestins ne risquent pas de se faire contrôler dans la rue. «Mais ce n'est pas si facile de travailler pour autant, tempère Michael Collins. Certains bossent, mais sont exploités et ne gagnent que très peu d'argent. Ils peuvent aussi être arrêtés à tout moment et envoyés en centre de détention.»
Postes. Autre élément qui séduit, comme le souligne Zoe Gardner : «Le Royaume-Uni a la réputation d'être un pays qui défend les droits des demandeurs d'asile.» Selon Eurostat, le pays accorde plus facilement le statut de réfugié que la France : en 2014, 61 % de rejets ont été enregistrés dans le premier, contre 78 % dans le second. Une comparaison à relativiser, car le Royaume-Uni accueille beaucoup moins de demandeurs d'asile que les autres pays de l'Union européenne, alors que «notre pays en a largement la capacité», regrette Gary Christie, du Scottish Refugee Council. En 2014, 24 914 personnes y ont demandé l'asile selon les chiffres du Home Office. Ils étaient 64 000 en France.
Moins nombreux, ils sont aussi moins bien lotis. L'allocation temporaire d'attente s'élève à 79,45 euros par semaine en France, alors qu'elle est, au Royaume-Uni, de 52,72 euros (37 livres) pour un adulte et de 62,69 euros pour un parent célibataire. Les demandeurs d'asile n'ont pas non plus le droit de travailler. Mais il existe des exceptions : si l'attente de décision excède douze mois, ils peuvent accéder à certains postes, «là où il y a des besoins», précise Gardner. Souvent des emplois qualifiés (dentiste, ingénieur…).
Les demandeurs d'asile, enfin, ont automatiquement droit à un logement. Et le Royaume-Uni tient cette promesse. Sauf que «les appartements sont équipés du strict nécessaire, parfois insalubres, et sont éloignés des villes, tempère Zoe Gardner. Et comme les transports sont chers, les demandeurs d'asile sont isolés».