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Libération
Reportage

Migrants à Paris : «Nos conditions ressemblent à de la détention»

Les réfugiés dénoncent leurs conditions d'hébergement dans un ancien centre de rétention entouré de barbelés, situé dans le XIIe arrondissement. Et souhaitent une accélération des procédures pour accéder à l'asile.
Un migrant lève les mains au ciel près des barbelés qui entourent le centre d'hébergement Emmaüs où il réside, le 4 août 2015 à Vincennes (Photo ALAIN JOCARD. AFP)
publié le 4 août 2015 à 17h33

La crise des migrants dans la capitale est-elle gérée avec suffisamment de détermination par les pouvoirs publics ? Le débat, récurrent depuis trois mois, a connu un nouvel épisode ce mardi. En début de matinée, une cinquantaine d'exilés relogés dans un centre d'hébergement d'urgence du XIIe arrondissement parisien, à l'orée du bois de Vincennes, ont décidé d'occuper les lieux. Les migrants, aidés par des membres du collectif de soutien de La Chapelle, bloquent l'unique grille d'accès avec un cadenas. Ils déploient deux banderoles : «Une solution pour nous (sic) problèmes», «Nous voulons que le gouvernement prenne conscience de notre situation. Merci». Les salariés du centre, géré par Emmaüs Solidarité, ne peuvent pas pénétrer à l'intérieur.

Les occupants, relogés là depuis le 19 juin et l'évacuation du campement de fortune des jardins d'Eole, souhaitent dénoncer les «promesses [qui] n'ont pas été tenues». Soudanais pour la plupart, ils visent Pascal Brice, le directeur de l'Office français des réfugiés et apatrides (Ofpra), qui était à l'époque venu leur proposer un hébergement sans limitation de durée et un engagement «d'examen des situations personnelles». Or, selon les migrants, «nul suivi de nos démarches n'a été entrepris». Outre la lenteur administrative pour les demandes d'asile, ils fustigent leurs conditions de vie.

Fenêtres grillagées

Le centre fait partie du dispositif hivernal et n'est en théorie ouvert qu'entre novembre et juin. D'habitude, il accueille des sans-abri. Rouvert en urgence le 19 juin, l'endroit fait plus penser à une prison qu'à un centre d'hébergement. Et pour cause : il y a quelques années, il servait à la rétention des étrangers en situation irrégulière et sur le point d'être renvoyés dans leur pays. Le bâtiment, qui compte 58 lits, est entouré de hautes grilles, recouvertes de barbelés. Dans les chambres, les fenêtres sont grillagées, le mobilier scellé au sol. «Nos conditions ressemblent à de la détention», explique Abdallah, un jeune Soudanais.

Certains de ses compagnons affirment ne pas avoir suffisamment à manger, d'autres disent ne pas avoir reçu de couvertures. «Tous les jours, nous sommes contraints de frauder parce que le centre ne nous fournit pas de titres de transport», ajoute un autre. Tous déplorent de devoir laver leur linge dans de petits lavabos, à l'aide de petits morceaux de savon distribués avec parcimonie. Les lieux n'incitent guère au repos. Les chambres font penser à des cellules. La salle de vie commune est équipée de deux canapés défoncés et maculés de taches. Dans la cour, un panneau prévient : «Interdiction de jouer au football».

«On ne met pas des réfugiés dans un ancien centre de rétention»

Devant l'entrée barricadée, la discussion débute entre la directrice générale adjointe d'Emmaüs Solidarité, Aurélie El Hassak-Marzorati, les migrants et les membres du collectif La Chapelle. Dialogue de sourds. La responsable d'Emmaüs assure faire le maximum pour faire en sorte que «plus personne ne dorme à la rue» et assurer sa mission de «mise à l'abri». En face, Lyes, un jeune militant, regrette que l'association ait accepté d'utiliser les lieux pour héberger les migrants : «On ne met pas des réfugiés avec des problèmes psychologiques dans un ancien centre de rétention entouré de barbelés.»

En milieu d'après-midi, une délégation composée de plusieurs acteurs institutionnels (Ofii, Drihl, Prif) arrive sur place. Les négociations s'engagent. A Libération, la préfecture de la région Ile-de-France assure que des «bons de transport» seront remis aux occupants pour leur permettre d'aller aux rendez-vous fixés par les autorités. Pascal Brice, le directeur de l'Ofpra, affirme quant à lui que la longueur des procédures pour obtenir l'asile n'est pas une «nouveauté» : «Ce qui m'importe, c'est que les migrants soient accompagnés et hébergés. Il ne faut pas être dans la surenchère.»