«J'ai vécu deux ans dans la forêt de Bû [Eure-et-Loir, ndlr] avec mes chèvres, Gisèle et Henri. J'ai eu mon bac par chance, par correspondance. Depuis quelques mois, je suis téléconseiller chez Vélib, 1 120 euros, ça va, et j'ai trouvé une coloc près de Créteil.
«Petits, on habitait près du Larzac, dans les zones de montagne où il y a une grande solidarité. Ça a été le choc d'arriver à Vélizy-Villacoublay [Yvelines] dans une HLM, mais il fallait s'éloigner de mon père. Ma mère est tombée amoureuse de lui quand il chantait Jean Ferrat en faisant la manche à Grenoble. Malheureusement, il est resté le genre de mec qui chante Ferrat dans la rue, alors qu'elle l'aurait bien vu en père de famille posé. La dernière année, elle nous mettait, les trois enfants, dans une maison différente, il buvait, et il venait taper aux portes avec un fusil. Ma mère, c'est une combattante.
«Au collège, ils étaient tous persuadés que j'étais gay. J'étais super efféminé, ils étaient en jogging, et moi, en slim et Converse. Les mecs de 17-18 ans venaient me chercher à la sortie. Willow, c'est le pseudo que j'ai trouvé sur Facebook pour pas tomber sur les blaireaux du collège. J'ai toujours voulu rentrer dans une case : c'était l'époque de la tecktonik, je voulais être entièrement tecktonik, la crête, les bracelets mousse, les étoiles en maquillage ! Après, j'ai regardé du catch et j'ai voulu devenir catcheur. Et enfin, le metal : ça, c'est pas passé. Les mecs sont en rangers-treillis et moi, je suis arrivé en débardeur de nana, mais ça a été. Le choc, c'est le premier concert où j'ai vu un salut nazi. Il y a un courant réactionnaire : ils pensent que Mai 68 a signé la décadence de la France, qu'il y a un peu trop d'Arabes, et ils finissent avec des croix gammées sur scène. Moi, je comprends pas. Evidemment, quand ils ont compris que j'étais gay, ils disaient : "C'est pas normal, Dieu nous a donné un sexe." On en revient au catholicisme tradi alors que les fondations du metal, c'est anticatho. Mais pour eux, le conformisme en ce moment, c'est Taubira, le mariage pour tous, les valeurs gauchistes… Le soir des législatives, j'étais à un concert et ça criait : "Marine ! Marine !"…
«Un jour, j'ai demandé à Stéphane Hessel si on pouvait s'indigner avec du metal. Il m'a répondu : "Il faut s'indigner, mais il faut rester calme !" J'avais posé la même question à Charb qui m'avait répondu : "J'écoute surtout du hardcore parce que ça fait plus de bruit." Je lui avais dit : "Charlie Hebdo aussi, ça fait du bruit." Il avait dit : "Oui, mais c'est pas toujours de notre faute."»