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«J’ai eu la chance de vivre la mixité sociale»

Octave, 19 ans, Rouvroy (Pas-de-Calais). Dans son casque : les Beatles. Dans sa chambre : tous les Canard enchaîné depuis 2007.
publié le 14 août 2015 à 17h37

«C'est ça aussi le problème ici, le paternalisme ouvrier : la vie était orchestrée du berceau à la tombe, les gens n'avaient rien à penser, alors aujourd'hui ils n'osent pas prendre de risques. Paris, par exemple, c'est à une heure de TGV mais c'est quelque chose qu'ils n'osent pas faire. Parce que c'est pas le milieu ouvrier, c'est inaccessible, et c'est dommage. Les Français se connaissent mal. J'ai eu de la chance d'aller dans un collège en ZEP et de vivre la mixité sociale. Comme mon grand père paternel a appris le français en lisant le Canard enchaîné, à partir de 10 ans je me suis mis à le lire, à m'intéresser à la politique. J'ai commencé mon blog «Front contre front» pendant les législatives de 2012 à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) : Le Pen-Mélenchon. Je voulais écrire parce que l'image que donnaient les médias d'Hénin-Beaumont ne correspondait pas à la réalité. C'était le misérabilisme du Nord, ils allaient dans une rue un peu moins bien que les autres, défoncée. Ça m'a un peu dégoûté. Ici on est un bastion socialiste. C'est ici qu'est né Maurice Thorez. Mais, au Front national, ils ont su parler aux jeunes, en en faisant entrer dans le parti. C'est plus efficace que n'importe quel discours de François Hollande. Le maire d'Hénin-Beaumont, Steeve Briois, est entré au FN à 15-16 ans. C'est pas que les gens sont devenus racistes ; ici on est d'origine polonaise, russe, maghrébine… Le FN a comblé un manque. Les partis de gauche pensaient que c'était acquis pour la vie. Ils ont arrêté de faire ce travail quotidien avec les gens, alors que le FN, depuis vingt ans, ils sont sur tous les marchés. J'ai toujours adoré les Beatles. Ils viennent de familles d'ouvriers, il y a cette idée de la méritocratie. Comme je suis né un 18 juin, ça a toujours été une date importante. La personnalité de De Gaulle me plaît parce qu'anticonformiste. C'est ça aussi être républicain : être révolutionnaire. Je me sens révolutionnaire dans le sens où j'ai envie de créer du débat. Je pense qu'il faut se rendre utile, arrêter d'être individualiste.»