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Libération
EDITORIAL

Cul-de-sac

publié le 17 août 2015 à 19h36

Dans l'univers des Misérables, il y a toujours des Thénardier. La nature humaine est ainsi faite qu'il existera toujours, au sein des populations les plus pauvres, des individus plus durs ou plus cyniques qui tireront avantage de cette pauvreté. Tels sont les passeurs de Calais, dont Libération décrit en détail les méthodes et les profits, et qui peuvent extorquer jusqu'à 10 000 euros par tête à des migrants prêts à tout pour franchir la Manche. Avec ce cruel codicille au contrat : moins le migrant paie, plus il risque sa liberté ou sa vie. Un business sans scrupule s'est ainsi greffé sur la situation de ces réfugiés bloqués dans le cul-de-sac portuaire né des accords du Touquet entre Paris et Londres, qui arrêtent sur les côtes de France les candidats à l'immigration en Grande-Bretagne. Les autorités françaises ont parfaitement raison de débusquer avec énergie ces acteurs sans foi ni loi. Il serait en revanche illusoire de penser que la lutte contre les passeurs, aussi légitime soit-elle, résoudra la question des flux migratoires. La situation calaisienne procède d'un problème bien plus vaste, qui se pose à l'Europe tout entière, comme le remarquait récemment Angela Merkel : celui de l'accueil nécessaire - et organisé - des réfugiés des pays en guerre, dont beaucoup, il faut toujours le rappeler, disposent d'un droit à l'asile reconnu par les chartes internationales. A court terme, l'établissement de conditions d'hébergement décentes, déjà pratiquées dans plusieurs pays, apparaît comme une action minimale. A long terme, c'est la politique migratoire dans son ensemble qui doit être réformée en commun, non pour ouvrir les frontières à tout vent mais pour assurer à ceux qui fuient la violence et l'oppression un sort conforme aux valeurs de l'Union européenne.