Les profs font leur rentrée aujourd'hui. Ça part mal, l'intersyndicale hostile à la réforme du collège, qui représente 80 % des syndiqués du second degré, prévoit une nouvelle journée de grève et de manifestation. La date devrait être précisée mardi, jour de rentrée pour des millions d'élèves. Ambiance. «Il n'est pas question que cette réforme se mette en place en l'état. Quoi qu'en dise la ministre, le dossier n'est évidemment pas clos», a prévenu la semaine dernière Frédérique Rolet, co-secrétaire du Snes-FSU, le syndicat majoritaire dans le secondaire.
«Enkystement». L'année dernière s'était mal terminée. «Le ton est tellement monté qu'il est difficile aujourd'hui de sortir de cet enkystement idéologique», soupire Philippe Tournier, le secrétaire général du syndicat majoritaire chez les chefs d'établissement (SNPDEN). Conseil adressé à ses troupes : arrondir les angles, éviter les départs de feu pour limiter les dégâts en cette année de transition. La réforme du collège doit en effet entrer en vigueur en septembre 2016, les équipes ont donc un an pour s'y préparer. «Des enseignants formateurs vont sillonner la France», a promis avec entrain la ministre, Najat Vallaud-Belkacem, lors de sa conférence de presse de rentrée. Tous les profs en collège auront huit journées de formation continue cette année : trois pour préparer spécifiquement la réforme, trois pour le plan numérique, et deux pour les nouveaux programmes scolaires - du CP à la terminale - qui entreront aussi en application l'an prochain. Le corps enseignant hausse les épaules : «Oui, enfin, encore faut-il que les formateurs soient eux-mêmes formés !»
Quant aux nouveaux programmes, c’est plutôt mal parti. L’instance chargée de les rédiger est traversée par des dissensions, avec la démission de plusieurs membres. Elle a pris du retard dans ses travaux : la copie finale n’a toujours pas été rendue et les éditeurs de manuels scolaires voient mal comment ils vont arriver à refaire tous les livres en moins d’un an.
La morosité ambiante touche aussi les enseignants du lycée et du primaire. Lassés, disent-ils, des promesses politiques qui s'empilent mais ne se concrétisent pas. Ils ont voté en masse pour François Hollande en 2012. Beaucoup y croyaient. Aujourd'hui, la plupart sont amers. Où sont les 60 000 postes promis pendant la campagne présidentielle ? Au compteur pour l'instant, 31 627 créations effectives au sein de l'Education nationale. «Cela prend du temps, nous avons remis en place la formation initiale détruite par la droite. Les 60 000 postes seront bel et bien créés», se défend la ministre. Au Snes-FSU : «Nous pensons que le ministère n'y arrivera pas».
«Lanceurs d'alerte». «Et la priorité donnée au primaire ? s'agite Sébastien Sihr, représentant du Snuipp-FSU, principal syndicat du primaire. Le ministère est obnubilé par cette réforme du collège. Le primaire a été remisé au placard dans cette histoire, nous le vivons comme du mépris. Il n'est pas utile que la ministre fasse une annonce par semaine, ce que nous demandons, c'est qu'elle tienne les engagements pris. Il faut redresser la barre, de sacrées marches restent à franchir.»
Lors de sa conférence de presse, Najat Vallaud-Belkacem a répondu que le primaire restait bien «une priorité» du quinquennat, citant, parmi les nouveautés de cette rentrée, les évaluations en français et mathématiques pour tous les élèves de CE2, dans les prochaines semaines, «pour identifier les difficultés et aider les enseignants». La ministre s'est par ailleurs félicitée de l'application désormais généralisée de la réforme des rythmes scolaires, initiée par Vincent Peillon, qui avait à l'époque cristallisé les tensions.
La réforme de l’éducation prioritaire, entamée il y a un an, finit d’être déployée dans les collèges et écoles les plus difficiles à cette rentrée. Mais là encore, le malaise est palpable. Parents et enseignants affirment ne pas voir sur le terrain les moyens promis. Mardi à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), des «lanceurs d’alerte», sous la forme d’un trio enseignant-élu-parent, seront présents devant chaque école de la ville pour vérifier que tous les élèves ont bien un enseignant formé devant eux. Et mettre la ministre face à ses responsabilités.