Huit morts - dont deux enfants - quatre blessés hospitalisés : c'est le très lourd bilan de l'incendie qui a ravagé, vers 4h30 ce mercredi, un immeuble de la rue Myrha, dans le XVIIIe arrondissement à Paris. L'origine du sinistre serait «criminelle», selon le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, arrivé tôt sur place.
En fin de matinée, RTL annonçait que la police avait arrêté un suspect, placé en garde à vue. L'homme, âgé d'une trentaine d'années, a été interpellé dans le quartier par la brigade anti-criminalité «à la suite de l'exploitation des premiers témoignages et des images de vidéosurveillance, mais on reste très prudents, ce n'est que le début de l'enquête», selon une source proche de l'enquête à l'AFP.
La piste criminelle a été privilégiée très rapidement, en raison du déroulé même de l’incendie, ou plutôt des deux incendies, qui se sont succédés : un premier, après 2 heures, facilement maîtrisé et qui n’a pas fait de victimes, suivi d’un second départ de feu, après 4 heures du matin, à l’issue bien plus tragique.
«A ce moment-là, pas de conséquences tragiques à imaginer»
Mathias est l'un des premiers témoins. Ce jeune photographe est dans une rue adjacente, vers 2h30, quand il croise les pompiers présents sur place. «"C'est un incendie criminel", me disent-ils. Mais à ce moment, il n'y a aucun flic, seulement les pompiers.» Le jeune s'approche. L'incendie est éteint, les soldats du feu repartent. «J'ai discuté avec des gens qui étaient à leur fenêtre, au troisième étage, ils ne savaient même pas ce qui s'était passé. Quant à la porte de l'immeuble, elle était restée ouverte.» Une version confirmée par un locataire du 4 rue Myrha, qui explique que le digicode du bâtiment ne fonctionnait pas bien. Pour Gabriel Plus, porte-parole des pompiers de Paris, «il n'y avait pas, à ce moment-là, de conséquences tragiques à imaginer». Prévenus à 2h23, ils découvrent des feuilles de papier enflammées dans le hall. En quelques minutes, le début d'incendie est maîtrisé. Gabriel Plus assure que les soldats du feu «vérifient alors que tout est bien éteint, qu'aucun papier ne s'est envolé dans les étages supérieurs».
Mathias, de son côté, quitte les lieux. Il repart vers la chapelle Saint-Bernard, à quelque 200 mètres, poursuivant sa promenade nocturne dans le quartier. «C'était désert, quasiment personne dans les rues. Et surtout, encore une fois, aucun policier. Personne n'est venu faire de ronde, alors même que les pompiers m'avaient dit que c'était un incendie criminel.» Mathias remonte chez lui, se couche vers 3h45. A peine le temps de s'endormir qu'il est réveillé par des cris, entre 4 heures et 4h30. Le second incendie s'est déclenché, une partie des habitants est pris au piège. Il redescend. Des flammes jaillissent des fenêtres, des gens hurlent. Un corps «plutôt frêle», est allongé sur le sol. C'est l'une des deux victimes qui a sauté par la fenêtre.
«Les gens appelaient au secours, hurlaient»
Florent, lui, était endormi quand il est également alerté par des «cris», peu avant 4h30. Locataire depuis trois ans au numéro 4 de la rue Myrha, le jeune homme se précipite alors à la fenêtre de son appartement, situé au rez-de-chaussée, dans la cour arrière. «J'ai vu des flammes aux fenêtres du bâtiment situé côté rue, se souvient-il. Dans la panique, j'ai pris un seau d'eau, mais je me suis rendu compte que je ne pourrai pas éteindre l'incendie.» Florent traverse la cour centrale, se retrouve sous les projections de débris de bois et de plastique. Il emprunte le hall, où se dégagent d'importantes fumées, avant de rejoindre la rue. Deux personnes, un homme et une femme, gisent au sol. Piégées par les flammes dans leur appartement, elles se sont défenestrées. Elles succomberont à leurs blessures peu après l'arrivée des secours.
Dans la rue, les habitants préviennent les pompiers. Certains s'efforcent de dissuader les habitants coincés par les flammes de sauter dans le vide. «Les gens appelaient au secours, hurlaient, c'était insupportable. Ils étaient à leur fenêtre, essayaient de reprendre de l'air», se souvient Norman, 25 ans, habitant de l'immeuble d'en face. Un ado, lui, s'en sort en rejoignant, avec beaucoup de risques, une fenêtre de l'immeuble mitoyen. «Je ne sais pas comment il a fait, il a comme sauté, et réussi à se rattraper à la balustrade de l'appartement d'à côté», raconte un voisin.
«Un feu violent et une chaleur intense»
Alertés à 4h33, les pompiers arrivent sur les lieux du sinistre à 4h39. «Un incendie d'une ampleur exceptionnelle, avec un feu violent et une chaleur intense», explique Gabriel Plus. Une soixantaine d'hommes sont mobilisés. Ils parviennent à progresser rapidement dans la cage d'escalier pour s'attaquer aux flammes. Parallèlement, des échelles sont déployées rue Myrha et dans la cour intérieure pour venir en aide aux personnes réfugiées aux fenêtres. Sept d'entre elles seront sauvées ainsi. Mais d'autres ont moins de chance. «Certains habitants ont ouvert les portes de leurs logements pour tenter de fuir par la cage d'escalier, décrit Gabriel Plus. Cela a fait appel d'air.» Dans les étages supérieurs, les flammes redoublent de puissance, sortent par les fenêtres et dévorent la façade. Six autres corps sans vie seront retrouvés par les pompiers, dont deux enfants. Certains sont brûlés au troisième degré. L'enquête dira s'ils ont auparavant succombé aux inhalations de fumée.
Dès 5 heures du matin, la majeure partie du sinistre est maîtrisée. Les enquêteurs de la brigade criminelle de la police judiciaire sont saisis par le parquet de Paris. Leur travail : recueillir les témoignages des habitants du quartier et exploiter les images d’une caméra de vidéo-surveillance située tout près de l’immeuble incendié.