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Libération
Récit

Homophobie : «Ces actes lâches ne me font pas peur, bien au contraire»

Premier marié gay de France et militant associatif à Montpellier, Vincent Boileau-Autin collectionnait les injures. Il reçoit désormais des menaces de mort.
Vincent Autin (à gauche) et Bruno Boileau, les premiers mariés gays en France, le 29 mai 2013 à Montpellier. (Photo Philippe Laurenson. Reuters)
par Sarah Finger, Correspondante à Montpellier
publié le 10 septembre 2015 à 14h59

«Tu perds rien pour attendre sale PD.» Ce message adressé au compte Twitter de Vincent Boileau-Autin est accompagné d'une photo en noir et blanc particulièrement sordide : on y voit le cadavre d'un homme nu, éventré, le cou atrocement mutilé. L'identifiant de l'expéditeur s'achève ainsi : @JteBaiseFilsDeP. «Ce message m'a été envoyé début août mais je ne l'ai découvert qu'à mon retour de vacances, fin août, et j'ai déposé plainte au commissariat de Montpellier dans la foulée, raconte Vincent Boileau-Autin. Depuis, j'en ai découvert un autre qui m'a également été adressé cet été par le biais de Twitter. Je vais donc déposer aujourd'hui [ce jeudi] une nouvelle plainte.»

Le 29 mai 2013 à Montpellier, le mariage de Vincent et Bruno, première union gay de France, avait attiré 300 journalistes représentant 130 médias du monde entier. «A l'époque, Bruno et moi avons reçu 15 000 messages, parmi lesquels figuraient seulement une dizaine d'injures, se souvient Vincent Boileau-Autin. Les menaces n'ont commencé qu'en 2014, après une de mes interventions sur BFMTV. Depuis, j'en ai reçu une dizaine sur mon compte Twitter ou ma page Facebook. J'ai déposé plainte à chaque fois, mais les policiers n'ont pas avancé pour l'instant.» Tandis que l'enquête tâtonne dans l'opacité des réseaux sociaux, Vincent Boileau-Autin dénonce leur hypocrisie : «J'ai publié sur ma page Facebook la photo du cadavre qui m'a été adressée et, en quarante-huit heures, Facebook m'a demandé de la retirer au nom d'une soi-disant charte de comportement. Pourtant, quand je reçois de tels messages ou que l'on cherche à savoir qui les envoie, les réseaux sociaux font preuve d'un étonnant laxisme.»

«Je représente un symbole»

En tant que premier marié gay de France, Vincent Boileau-Autin se considère comme une «cible de choix» pour de tels actes homophobes, d'autant qu'il est également président de la Lesbian and Gay Pride Montpellier-Tignes, et directeur de l'Interpride World pour la France, la Belgique, les Pays-Bas et Monaco : «Je suis visible, je représente un symbole. Mon époux, Bruno, lui, n'a rien reçu car il n'a pas de fonction associative. Ces actes lâches ne me font pas peur, bien au contraire. Ils ne font que me motiver davantage pour poursuivre ma lutte contre les discriminations.»

Selon le dernier rapport de SOS Homophobie, près de 2 200 témoignages d’actes homophobes ont été enregistrés en 2014. Dans 40 % des cas, ces messages de haine ont été propagés par Internet, et une fois sur deux grâce aux réseaux sociaux. Le Web est ainsi devenu le principal vecteur de l’homophobie en France.