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Interview

80 ans de la libération d’Auschwitz : «Les survivants de la Shoah se sont d’abord heurtés à un mur de silence»

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Dans une France de l’après-guerre où l’histoire nationale s’est écrite avant tout sous l’angle de la Résistance, les témoignages des survivants des camps ont peiné à se faire entendre, explique l’historien Tal Bruttmann.
Photographie tirée de «l'Album d'Auschwitz», trouvé par une déportée, Lilly Jacob, le jour de sa libération au camp de Dora Mittelbau. Cette photo, prise comme les autres de cette collection par les nazis afin de faire croire que la déportation se déroulait sans coercition, représente l'arrivée des Juifs de Hongrie en wagon à bestiaux au camp d'Auschwitz-Birkenau, au printemps 1944. (Mémorial de la Shoah)
publié le 26 janvier 2025 à 17h13

Comme l’explique Tal Bruttmann, l’un des rares historiens français à travailler sur la Shoah, il a fallu attendre la fin des années 70 pour qu’on se mette à écouter davantage les récits des survivants des camps.

Il y a, en 2025, une attention particulière portée aux derniers rescapés du camp d’Auschwitz-Birkenau. Pourtant, il a fallu des années pour qu’on entende réellement leurs témoignages…

Les survivants ont témoigné très tôt, dès la fin de la guerre, comme Simone Veil l’a raconté. Une première vague de témoignages est publiée en 1945 et des tournées de conférences sont organisées. Mais cela se heurte à un mur de silence. L’opinion publique ne veut pas les écouter à ce moment-là, n’a pas envie d’entendre ce qu’ils avaient vécu pendant la guerre. Pour des raisons évidentes, une mémoire s’est, elle, constituée dans la communauté juive et y restait cantonnée. Il faut attendre la fin des années 70 et le début des années 80, le procès de Klaus Barbie et une vague des déclarations négationnistes comme celles de Louis Darquier de Pellepoix, l’ancien commissaire général aux questions juives pendant l’Occupation, qui déclare en 1978 qu’à Auschwitz «on n’avait gazé que les poux», pour que les témoignages des rescapés soient mobilisés contre ce négationnisme.

Vous déplorez que l’histoire d’Auschwitz soit peu traitée en France ?

L’histoire d’Auschwitz s’est, elle aussi, écrite très tôt. Le premier livre paraît en 1946 en Tchécoslovaquie. Il s’intitule Tovarna na s