Les anti-corridas de tous poils ont défilé samedi contre la grand-messe annuelle des aficionados biterrois. Ces dernières semaines, les deux camps se sont affrontés par affichages interposés dans les rues de Béziers (Hérault). Depuis des décennies, les associations anti-corrida peinent à unir leurs forces pour combattre ensemble la tauromachie, toujours autorisée dans les places taurines de dix départements français. Mais la feria de Béziers qui s’achève ce dimanche a réussi ce tour de force : réunir contre elle des militants du Colbac (Comité de liaison biterrois pour l’abolition de la corrida), de l’Alliance anti-corrida, de la Flac (Fédération des luttes pour l’abolition des corridas), du Crac (Comité radicalement anticorrida) et de No Corrida.
Des représentantes du Parti animaliste ainsi que le rappeur Res Turner, très engagé dans la défense animale, se sont aussi joints au cortège. Selon Sophie Maffre-Baugé, présidente du Colbac, cette féria aura vu «36 taureaux torturés puis mis à mort».
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«Spectacle garanti avec souffrance animale»
Mais la présence la plus médiatique de cette manifestation revient à la Fondation Brigitte Bardot (FBB), et pour cause : l’association a lancé le 26 juillet, et pour un mois, une vaste campagne d’affichages contre la corrida dans les principales villes taurines françaises, dénonçant un «spectacle garanti avec souffrance animale». A Béziers, ces affiches sont restées en travers du gosier de Robert Ménard, maire apparenté RN et soutien indéfectible à la tauromachie. Lequel a donc riposté en lançant sa propre campagne : on y voit une photo de BB dans ses jeunes années, accolée à celle de Luis Miguel Dominguin, un matador espagnol, avec ce slogan barrant l’affiche : «Ils se sont tant aimés… Avec les matadors Brigitte n’a pas toujours dit non.»
La réponse de l’intéressée, sur Twitter, n’a guère tardé : «Si j’avais eu une aventure avec un matador, j’aurais rapporté les oreilles et la queue.» Pour ceux qui l’ignoreraient, le folklore taurin comprend la coupe des oreilles et de la queue d’un taureau mort. Christophe Marie, le porte-parole de la FBB, voit dans cette campagne d’affichage municipal, financée par les deniers publics, «une réaction minable, sexiste, sans aucun argument pour défendre ce qui reste, aux yeux de la loi, un acte de cruauté puni sur le territoire national».
«Attente sociale forte»
Devant «le peu d’humour des dirigeants de la FBB», Robert Ménard déclarait fin juillet, lui aussi sur Twitter, avoir décidé de retirer ses affiches. «Aujourd’hui nos opposants se rendent compte que le contexte change, que le rapport de force s’inverse, estime Christophe Marie. Nous bénéficions désormais du soutien de nombreux parlementaires qui comprennent que l’attente sociétale sur la question animale est forte.» Selon un sondage réalisé par l’Ifop en janvier 2021 pour l’association 30 millions d’amis, trois quarts des Français sont favorables à l’interdiction des corridas.
Ce sujet clivant par excellence divise même les Ménard : Emmanuelle, députée et épouse de Robert, reconnaissait en janvier dernier que le sujet n’est «pas trop» abordé au sein du foyer, d’autant que deux de ses enfants seraient véganes et le troisième végétarien… Elle-même membre du groupe d’études sur la condition animale à l’Assemblée nationale, Emmanuelle Ménard dit assumer «cette contradiction», arguant qu’«on ne peut pas limiter la corrida à l’aspect mort du taureau» et que «ça fait partie de notre culture».
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