[Mise à jour mercredi 3 mars à 17h30 : la justice a finalement suspendu l’arrêté autorisant la fête foraine dans la ville]
Mardi les forains se sont donné rendez-vous à Chalon pour préparer l’une des plus importantes fêtes de la région qui doit se tenir du 5 au 14 mars. Le secteur, à l’arrêt depuis le début de la pandémie, compte en effet sur la signature d’un arrêté municipal en faveur du maintien de la fête foraine par le maire de Chalon, Gilles Platret, pour reprendre leur activité. Et ce, malgré le recours devant le tribunal administratif de Dijon intenté par le préfet de Saône-et-Loire. «La ville de Chalon a estimé que les conditions sanitaires sont désormais réunies et c’est pourquoi, ce lundi matin, Gilles Platret a signé un arrêté autorisant la fête foraine du 5 au 14 mars», a indiqué lundi la mairie dans un communiqué. L’édile s’est justifié en ajoutant que «l’arrêté d’autorisation est fondé sur deux nécessités complémentaires : celle de lutter contre la crise épidémique par des mesures appropriées que les forains sont tout à fait disposés à prendre, mais aussi la nécessité de lutter contre la crise psychologique lourde qui est la conséquence tout à la fois de la crise épidémique et des mesures de restriction des libertés qui l’ont accompagnée.»
Manque de vision à long terme et de considération
«C’est peut-être un bras de fer mais ce n’est pas un coup de tête, cette décision a été mûrement réfléchie pour ne pas mettre les gens en danger, sinon on ne l’aurait pas fait et on aurait annulé la fête comme on a annulé le carnaval», explique Gilles Platret à Libération. L’enjeu est énorme pour les forains qui n’ont aucune projection quant à la reprise de leur métier. «Au-delà de l’organisation de la fête de Chalon-sur-Saône, ce maire va nous permettre de faire éclater au grand jour les problèmes des forains», explique Xavier Saguet membre fondateur de la Fédération des forains de France, à l’origine du dépôt d’un référé liberté au Conseil d’Etat le 18 janvier. «Si tout le monde est à bout aujourd’hui c’est à cause de l’absence de réponses concrètes des ministères depuis le 12 octobre. Le président de la République nous a dit qu’on allait apprendre à vivre avec cette crise, on en est conscient, c’est pour cela que nous voulons instaurer depuis le début des règles strictes à appliquer car pour le moment on est sous perfusion, et pour beaucoup les aides ne suffisent pas», poursuit-il. Pour Alexis Coquoz, qui est arrivé à Chalon mardi matin pour installer son manège, le Monstermax, c’est une façon de faire entendre la détresse des forains qui se sentent oubliés durant la pandémie. «On se bat pour les prochaines fêtes, on a déjà perdu les trois quarts de notre chiffre d’affaires de l’année dernière donc si ça recommence on arrivera plus à survivre», explique-t-il.
Le manque de vision à long terme et de considération concernant leur secteur a fini par exaspérer les forains. «Nous n’avons aucune de date de reprise pour notre activité et aujourd’hui avec l’interdiction des fêtes foraines, nous sommes stigmatisés. Certains maires ont même décidé de les supprimer de leur calendrier, donc la suite c’est quoi ? Qu’ad vitam æternam il n’y ait plus de fête dans les communes ? dénonce René Hayoun, président de l’Union intersyndicale des entreprises foraines de France et de l’Association de défense des droits forains. Il faut bien que nous fassions un électrochoc pour que le gouvernement nous prenne en considération, que les maires arrêtent de penser qu’ils aient le droit de vie ou de mort sur nous et qu’ils comprennent que nous sommes des activités commerciales à part entière… Le maire de Chalon-sur-Saône nous donne enfin un tremplin pour prouver que nous existons.»
«Cette fête fait partie de notre patrimoine»
«Il y a un attachement particulier de notre ville aux forains, il y a les petits-fils de ceux qui venaient avant-guerre qui sont là et ça contribue au renom de Chalon. Et puis cette fête est populaire, profondément enracinée, touche toutes les générations et fait également partie de notre patrimoine, donc on y tient», martèle Gilles Platret pour justifier sa décision.
De son côté, le préfet de Saône-et-Loire a indiqué dans un communiqué être «conscient des difficultés rencontrées par les forains concernés par les mesures de restrictions de leur activité» mais a observé que l’«arrêté [du maire] apparaît en contradiction avec le décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire». Tout en rappelant que l’Etat a déjà mis en place un dispositif de soutien destiné à aider le secteur à traverser la crise sanitaire. Reste à savoir si Gilles Platret, qui a fait des forains des citoyens d’honneur et déjà bravé fin octobre la fermeture des commerces non alimentaires dans sa ville, arrivera une nouvelle fois à ses fins.