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Libération
Reportage

A la manifestation pro-Gaza à Paris, malgré l’interdiction : «Il faut soutenir les familles des civils»

Guerre au Proche-Orientdossier
Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées ce samedi place du Châtelet pour appeler à un cessez-le-feu au Proche-Orient et à la solidarité avec le peuple palestinien. Plusieurs manifestants ont été verbalisés pour participation à une manifestation non autorisée.
Samedi, place du Châtelet à Paris. La manifestation avait été interdite par la préfecture de police. (Bertrand Guay/AFP)
publié le 28 octobre 2023 à 19h37

Quel curieux samedi après-midi à Paris. Depuis plusieurs jours, le doute entourait la manifestation prévue ce samedi, place du Châtelet, dans l’hypercentre parisien, pour appeler à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza. Le rassemblement a d’abord été interdit par le préfet Laurent Nunez qui a invoqué les «risques» liés aux commerces alentour et à la tenue de la finale de la Coupe du monde de rugby le soir même pour justifier sa décision. Mais du côté du Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens à l’origine de la mobilisation, on avait espoir que le tribunal administratif infirme cette décision jugée par les associations comme un «acte politique».

Touristes et supporters de rugby

Dans la matinée, les avocats ont finalement appris que la justice confirmait la décision du préfet de police, le juge des référés invoquant notamment les «risques de troubles à l’ordre public» dans «un contexte de tensions exacerbées». En dépit de l’interdiction, les appels à manifester ont continué de circuler sur les réseaux sociaux et l’on avait, du côté des associations, la certitude que des personnes défileraient malgré tout, comme cela s’est déjà produit plus tôt dans le mois. D’autres manifestations ont eu lieu ailleurs en France, notamment à Strasbourg (où la manifestation était autorisée) et à Montpellier (où la justice avait suspendu l’interdiction).

Dès le début d’après-midi, sur le parcours initial allant de Châtelet à République, l’ambiance était électrique. En ce second week-end des vacances scolaires, dernier de la Coupe du monde de rugby, les familles de touristes et les supporters des Springboks et des All Blacks déambulaient sous l’œil vigilant de nombreux policiers déployés sur presque toutes les voies de bus. A mesure que l’on approchait de la place du Châtelet, on pouvait entendre peu après 14 heures plusieurs centaines de personnes scander «c’est l’humanité qu’on assassine, enfants de Gaza, enfants de Palestine». Autour, certains policiers ont dressé des amendes de 135 euros pour «participation à une manifestation non autorisée». D’autres ont tenté par groupe de faire évacuer la place, de scinder le rassemblement, de maintenir la circulation pour finalement former une nasse privant plusieurs centaines de personnes de mouvement.

Un peu en retrait, trois étudiantes en droit ont observé ces scènes pendant de longues minutes sous la pluie. «On est là parce que même si c’est interdit, il faut soutenir les familles des civils qui sont morts. Ce n’est que par les actions civiles que les choses vont changer, comme c’est le cas par exemple pour le projet d’autoroute A69. On est le seul pays où on interdit de manifester. C’est ça maintenant manifester en France, tu te fais gazer ou nasser», commente l’une d’elles. «Je ne comprends pas, on devrait être tous unis et on nous empêche de nous rassembler», fulmine son amie.

«On ne savait pas que c’était interdit»

Comme elles, de nombreuses personnes se sont déplacées, mais sont restées en retrait du cœur de la manifestation, de peur que cela ne dégénère. «On est venus en famille, on ne savait pas que c’était interdit. On veut soutenir le peuple palestinien, nos familles, mais en même temps on ne peut pas prendre de risque», grimace une mère en serrant la main de sa fille.

Une heure après le début du rassemblement, une partie des manifestants qui n’avait pas été cernée par des policiers s’est mise à défiler dans les rues adjacentes. Résultat, une autre nasse s’est formée près de la rue de Rivoli, au sein de laquelle plusieurs supporters sud-africains, des chapeaux en forme de ballon de rugby sur la tête, ont eu le plus grand mal à s’extraire. Plusieurs grenades lacrymogènes ont été lancées par les forces de l’ordre pour disperser le reste de la foule dans les rues commerçantes de l’hypercentre.

«C’est quand même dingue qu’on ne puisse pas se rassembler dans le calme, simplement. On a l’impression que c’est la pression policière qui pourrait faire dégénérer les choses», commente Lysiane, étudiante parisienne venue manifester. En fin d’après-midi, près des nasses, après plus de trois heures d’immobilisation sous une pluie fine, on entendait finalement crier : «La dame fait un malaise, laissez-la sortir !». Le tout sous le regard perplexe de supporters sud-africains, filmant la scène comme un souvenir de vacances.